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Qui finance les infrastructures en Afrique ?
Article mis en ligne le 12 novembre 2018
dernière modification le 10 novembre 2018

Les besoins en infrastructure font l’objet d’un large consensus. Mais la question de leur financement, de leur montant et de leur source ne semble toujours pas résolue, ce qui pourrait mettre à mal certains projets dans les années à venir. Retour sur les différentes estimations des besoins financiers, l’identité des bailleurs et les raisons des déficits de financement observés.

Le chiffrage des besoins financiers pour mettre en œuvre les Objectifs du Développement Durable (ODD) ou pour les projets d’infrastructure en Afrique a fait l’objet de nombreuses estimations. Celles-ci peuvent varier assez fortement selon les objectifs retenus (quel niveau d’infrastructure optimal vise-t-on ?, des infrastructures de base pour tous, ou des infrastructures améliorées pour une majorité ?), les méthodes employées (quelles hypothèses faites sur l’évolution démographique, l’évolution du taux d’urbanisation, le coût et la durée de vie des technologies ?) et les organismes qui les ont réalisés(...)

Les principaux bailleurs des infrastructures africaines sont les gouvernements africains. En 2016, on compte cinq pays dont les engagements ont été supérieurs à 2 milliards de dollars : Égypte, Angola, Afrique du Sud, Kenya et Nigeria et 16 États dont les budgets en infrastructure dépassent le seuil de 2 % du PIB [9].

Individuellement, le premier bailleur extérieur sur la période 2012-2016 a été la Chine, avec des engagements variables selon les années. En 2012, 2013 et 2015, la Chine a représenté respectivement 18,2 %, 16,1 % et 26,5 % des financements. Les financements chinois se sont surtout orientés vers le secteur des transports, notamment les infrastructures portuaires et de chemins de fer [10]. Des dépenses qui s’inscrivent dans la stratégie chinoise d’influence sur les plans commerciaux, politiques et militaires [11], notamment au travers du projet de nouvelle route de la soie, « One belt, one road » qui vise à relier la Chine à l’Europe par voie terrestre (via l’Asie centrale et la Russie) et maritime (par l’Océan indien, la côte est-africaine et la mer Rouge). L’objectif étant d’une part de sécuriser les approvisionnements chinois et d’autre part de créer de nouveaux débouchés dans les régions traversées par le projet. (...)

La Chine propose des prêts concessionnels, de la même manière que les bailleurs occidentaux, et met en avant ses entreprises pour la construction. L’originalité par rapport aux bailleurs « traditionnels » réside dans la négociation régulière d’une partie des garanties en nature lors du remboursement des prêts [13] (le plus souvent en ressources naturelles ou en contrepartie d’un accès aux ressources pour leur exploitation : pétrole en Angola, cacao au Ghana, minerais en Guinée…)

Les membres de l’ICA, qui constituent les bailleurs « traditionnels » du développement (Banque mondiale, G8, UE…), ont représenté entre 25 et 30 % des engagements dans les infrastructures sur la même période, principalement sous forme de prêts. Viennent ensuite les donateurs arabes (principalement impliqués en Afrique du Nord et dans la zone sahélienne), les autres bailleurs multilatéraux (banques régionales de développement notamment) et le secteur privé, qui ne représente qu’une faible part des efforts de financement dans les infrastructures.

(...)

Les pays africains ne parviennent pas à collecter les fonds suffisants pour prendre à leur charge les dépenses nécessaires aux infrastructures. Plusieurs pistes d’explication permettent de comprendre ce constat.

La collecte et la mobilisation de l’épargne privée est insuffisante. Les taux de bancarisation – le nombre de titulaires d’un compte en banque dans une population donnée - et d’investissement y sont parmi les plus faibles au monde, pour partie du fait de l’importance du secteur informel en Afrique. Les transferts de fonds en provenance des diasporas ne sont pas non plus suffisamment réorientés vers l’investissement. De plus, l’épargne des populations les plus fortunées en Afrique se trouve souvent placée hors du continent, là où les rendements sont meilleurs, si ce n’est pas dans des paradis fiscaux.

Ensuite, les budgets et l’économie de certains pays africains sont tributaires des cours de matières premières, notamment du pétrole et des métaux. Les dernières années ont vu des variations à la baisse assez importantes se produire de sorte que les États dépendant des exportations de matières premières - les producteurs de pétrole plus particulièrement - ont vu leur capacité budgétaire diminuer.

Les structures fiscales en Afrique varient fortement ; les pays aux revenus les plus élevés tirent plus de recettes des impôts sur le revenu tandis que le reste des États se concentre sur les taxes sur les biens et services du type TVA. Le ratio des recettes fiscales sur le PIB va de 10,8 % en RDC à un peu plus de 30 % en Tunisie avec une moyenne de 19,1 % du PIB [16] pour l’ensemble du continent. Des montants bien inférieurs à ceux observables dans les pays de l’OCDE (...)

Il faut dire que la collecte des impôts est largement rongée par l’optimisation ou l’évasion fiscale. Selon le dernier rapport de Global Financial Integrity, sur la période 2005-2014, le montant annuel des flux financiers illicites serait compris entre 7,5 et 11,6 % [17] du commerce de l’Afrique subsaharienne. (...)

Un autre élément qui participe à ce déficit de financement est le non-respect des engagements en matière d’aide publique au développement de la part des pays riches.(...)

Il est intéressant de constater que les priorités du secteur privé ne sont pas nécessairement celles avancées par les États africains et par les bailleurs publics ou les plus utiles pour les populations. Les acteurs privés ont en effet préféré s’impliquer dans les opérations les plus rentables. (...)