
Ancien cadre dans le travail social, Yves Faucoup dénonce, dans une tribune au « Monde », la réforme du revenu de solidarité active projetée par le gouvernement au nom d’une « mise au travail » dont il ne donne pas les moyens.
France Travail, remplaçant de Pôle emploi, aura entre autres pour mission de veiller à ce que les attributaires du revenu de solidarité active (RSA) soient inscrits au chômage et établissent un contrat d’engagement.
A terme, il s’agirait officiellement d’imposer quinze à vingt heures hebdomadaires d’activité à celles et ceux qui perçoivent le RSA. (...)
Depuis bientôt trente-cinq ans (loi sur le revenu minimum d’insertion, décembre 1988), le principe du revenu minimum consiste en France à garantir à une personne sans ressources une allocation différentielle de faible niveau. Elle est fixée en effet à la moitié du seuil de pauvreté pour une personne seule, soit 534 euros mensuels (et non pas 608 euros comme si souvent colporté, en oubliant de déduire le forfait logement).
Un accompagnement social et professionnel
Il s’agit de lui permettre de survivre, bien loin des « moyens convenables d’existence » prévus par la Constitution ! Il n’a jamais été non plus expliqué clairement pourquoi le RSA est fixé à 60 % de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) ou de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA ou minimum vieillesse), autres minima sociaux.
En contrepartie de cette allocation, un engagement d’activité (emploi, bénévolat, formation, création d’entreprise, soins) est signé par la personne en fonction de sa situation (car elle n’est pas toujours en capacité physique ou psychique d’assumer un travail). Cet engagement suppose un accompagnement social et professionnel. C’est du moins ce qu’indiquent les textes en vigueur depuis trente-cinq ans, sauf que les sommes qui y sont consacrées sont passées de 20 % du montant des allocations dans les années 1990 à 7 % aujourd’hui.
Le RSA mis en avant par Nicolas Sarkozy avait pour but, tout comme la réforme annoncée par Emmanuel Macron, de « mettre les gens au travail », un discours autoritaire destiné à siphonner des voix à droite. Mais cela a été un fiasco, à part le renforcement de l’implication de Pôle emploi. En réalité, la mise en œuvre du RSA a entraîné des pertes majeures pour l’efficacité des accompagnements. (...)
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– (Dubasque.org)
Réforme du RSA : Une « mise au travail » discutable des allocataires sans véritables moyens.
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Quels sont les moyens nécessaires pour un retour à l’emploi efficace des allocataires du RSA ?
Une insertion professionnelle efficace des personnes au RSA nécessite une approche globale. Elle doit pouvoir tenir compte de la complexité des situations individuelles. Voici rapidement cités quelques moyens nécessaires :
Un accompagnement personnalisé
(...) En somme, une « mise au travail » efficace des allocataires du RSA nécessite une approche globale. Celle-ci va bien au-delà de la simple obligation de chercher un emploi. Elle nécessite un investissement significatif dans l’accompagnement social et professionnel, la formation, le soutien à la santé, l’aide à la recherche d’emploi et le soutien financier. Yves Faucoup souligne aussi l’importance de la négociation plutôt que de l’imposition dans le parcours d’insertion des allocataires RSA. Il met en garde contre le risque d’un dispositif autoritaire qui serait voué à l’échec, car les professionnels de l’accompagnement résisteront et les allocataires aussi.
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Le gouvernement est-il prêt à mettre les moyens nécessaires pour cet accompagnement qui serait généralisé ?
Faut-il rappeler que 1,8 million de foyers perçoivent le RSA ? Combien de professionnels de l’accompagnement faudrait-il pour proposer des actions d’insertion et du travail à chacun d’entre eux ? Yves Faucoup explique, preuves à l’appui, que cette obligation de quinze à vingt heures d’activité hebdomadaire est irréalisable. Il reproche au gouvernement de connaître cette réalité, mais de l’ignorer dans l’espoir de gagner des points auprès de « ceux qui travaillent » et considèrent que ceux qui touchent le RSA en profitent et ne veulent pas travailler. Il doute que l’exécutif ait l’intention d’inscrire cette règle précisément dans la loi. D’ailleurs, des reculs ont déjà été notés avec un discours d’Elisabeth Borne en retrait de ce qui avait été annoncé initialement.
L’auteur termine son propos en questionnant les promesses du gouvernement sur les moyens d’accompagnement social et professionnel et de formation.