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Orient XXI
Réforme du marché du travail en Arabie saoudite La porte de sortie pour les travailleurs étrangers
Article mis en ligne le 17 novembre 2013

L’Arabie saoudite emploie depuis quelques mois la manière forte pour tenter de remédier au chômage des Saoudiens tout en augmentant sa popularité : expulser en masse les travailleurs immigrés sans papiers. Près d’un million d’entre eux ont déjà quitté le pays.

Si l’Arabie saoudite a retenu une leçon des printemps arabes, c’est bien que le chômage, et particulièrement celui des jeunes, est une bombe politique à retardement qui peut exploser à tout moment. Avec un taux officiel de chômage de 12 % parmi les nationaux, qui grimpe à 40 % pour les hommes entre 20 et 24 ans et à 70 % pour les femmes de cette même classe d’âge, le royaume a décidé d’employer la manière forte pour créer de nouveaux emplois pour ses ressortissants. Incapable d’absorber plus de fonctionnaires, il a pris le parti de remplacer les travailleurs expatriés. Tout au moins de donner le signal qu’il entend mettre de l’ordre dans son marché du travail.(...)

le ministère du travail saoudien a lancé un nouveau programme, appelé nitaqat, faisant obligation aux entreprises saoudiennes de plus de dix salariés d’employer un pourcentage fixe de nationaux, sous peine de se voir imposer une sanction financière. Sa mise en œuvre devait devenir effective en 2013.

Depuis fin mars, date à laquelle le ministère du travail a annoncé que ses inspecteurs allaient redoubler d’activité pour vérifier que toutes les entreprises étaient en conformité avec les objectifs du nitaqat — et par là même que tous les travailleurs étrangers étaient en règle avec le système du sponsorship ou kafâla1 —, un vrai vent de panique souffle sur l’Arabie. Le roi avait accordé une amnistie de trois mois, expirant le 3 juillet 2013, durant laquelle les étrangers sans papiers étaient priés de régulariser leur situation pour éviter des peines d’emprisonnement pouvant atteindre deux ans fermes et des amendes — impossibles à payer pour le commun des immigrés — s’élevant jusqu’à 27 000 dollars. Devant l’ampleur du « sauve-qui-peut » généralisé, le roi Abdallah a dû étendre la période de régularisation de quatre mois, jusqu’au 3 novembre 2013.

Un système de contrôle de l’immigration qui dysfonctionne (...)

Pour les pays d’origine des travailleurs étrangers, la déportation de dizaines de milliers d’entre eux n’est que le début d’un long processus de retour graduel des expatriés, venant aggraver encore la situation de pays fragiles économiquement. (...)

Le deuxième épisode de cette chasse aux illégaux se déroule depuis le 4 novembre ; cette fois, les autorités saoudiennes ont mis en application leur menace d’appréhender les travailleurs en situation irrégulière. (...)

Parmi les travailleurs étrangers, la panique est telle que, depuis le début de la campagne contre les illégaux, les étrangers, même en situation régulière, n’osent plus sortir en public. En avril déjà, à Jedda, les conducteurs de camions-citernes qui craignaient d’être en infraction à la loi du travail s’étaient arrêtés de travailler10, provoquant des files d’attente de citoyens venus s’approvisionner en eau. Certaines écoles avaient dû fermer, faute de pouvoir remplacer les enseignants étrangers. La semaine passée, les zones commerciales où les étrangers dominaient le petit commerce se sont désemplies, certains chantiers tournaient au ralenti. Les chauffeurs de bus n’étaient pas passés chercher les étudiantes de l’université à Riyad et à Hayl, il était impossible de trouver un plombier.

Face à ces dysfonctionnements, une question se pose néanmoins : l’Arabie saoudite pourra-t-elle remplacer du jour au lendemain cette main d’œuvre extrêmement flexible ? Rien n’est moins sûr, en tous cas dans un futur proche. Ce qui semble plus certain est que, de façon assez démagogique, dans un contexte politique délicat, le pouvoir se met en scène dans sa toute-puissante efficacité. (...)