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Libération
Retraites par capitalisation : l’opposition tape du point sur la table
Article mis en ligne le 24 décembre 2019

A gauche, mais aussi à droite, la mesure visant à limiter les cotisations ouvrant des droits à pension au-delà de 10 000 euros de salaire mensuel est considérée comme un cadeau fait aux assureurs privés. La majorité, elle, parle de redistribution.

La « réforme BlackRock ». C’est l’un des slogans - et pas le moins énigmatique - que les opposants à la réforme des retraites tentent de coller au projet du gouvernement. Pour la gauche, le futur système par points en général, et notamment une mesure concernant les cotisations des plus hauts revenus en particulier, risque d’ouvrir les vannes de la retraite par capitalisation. De quoi ravir les banques, compagnies d’assurances et autres fonds d’investissement… et le géant américain BlackRock, donc, spécialisé dans la gestion d’actifs. (...)

« Ce qui se trame, c’est la possibilité pour les assureurs d’avoir la mainmise sur le marché des retraites », attaquait Olivier Besancenot (NPA) le 10 décembre au micro de RMC. Le même jour, à l’Assemblée nationale, les députés de gauche applaudissaient leur collègue Olivier Marleix, venant pourtant des rangs LR, qui accusait le gouvernement d’« offrir 3 milliards d’euros aux fonds de pension » et prévenait que « si la réforme [allait] à son terme, les affaires de BlackRock [prendraient] un formidable essor en France ». Lors des questions au gouvernement mardi, le socialiste Joël Aviragnet citait à son tour l’épouvantail BlackRock qui, selon lui, « a inspiré » une réforme qui « permettra de garantir une place au secteur privé dans la gestion des retraites ». Tandis que la mention de la multinationale a commencé à fleurir sur les pancartes des défilés du 17 décembre, un historique des entrevues entre Larry Fink, PDG du numéro 1 mondial des gestionnaires d’actifs, et Emmanuel Macron (ou certains ministres) a été dressé par la presse (1). (...)

« Ils ont beau répéter qu’ils vont maintenir le système par répartition, leur réforme encourage la capitalisation et ce qui les met à la peine, c’est que les assureurs et les banques, au lieu de se faire discrets, s’avancent ostensiblement ces temps-ci », pointe le député LFI Adrien Quatennens, qui note l’« offensive publicitaire » du secteur. Les révélations concernant les « oublis » de l’ancien haut-commissaire aux Retraites, Jean-Paul Delevoye, dans sa déclaration d’intérêts, dont son poste d’administrateur de l’Institut de formation de la profession de l’assurance, ont aussi donné du grain à moudre à l’opposition. (...)

« En envoyant les hauts salaires vers le secteur privé, on crée un marché pour la retraite par capitalisation », prévient Olivier Marleix, qui dénonce carrément « une américanisation de la protection sociale pour les cadres supérieurs ». « On ouvre un espace aux fonds de pension qui ne demandent qu’à accéder au gâteau des retraites », affirme Vincent Duchaussoy, chargé des questions d’économie et de travail au PS. (...)

L’opposition est d’autant plus suspicieuse qu’un premier étage de la fusée a déjà été voté dans la loi Pacte (sur la croissance et la transformation des entreprises). Disponible depuis le 1er octobre, un nouveau plan épargne retraite vise à simplifier l’offre et à la rendre plus attractive. Episode où revoilà BlackRock : dans une note intitulée « Loi Pacte : le bon plan retraite », la firme listait en juin des recommandations pour « réussir la réforme de l’épargne retraite ». Le fonds suggérait notamment au gouvernement de « développer une communication » afin de « présenter les approches par répartition et par capitalisation comme complémentaires ». (...)