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Retraites : un ministre a-t-il le droit de mentir ?
/ Henri Stedyrniak, économiste
Article mis en ligne le 7 décembre 2019

Le JDD, journal possédé par le groupe Lagardère, a publié le dimanche 1er décembre une interview atterrante de Gérard Darmanin, sur la réforme des retraites. Atterrante, oui car elle multiplie les mensonges.

Darmanin prétend que son gouvernement va « sauver nos retraites et celles de nos enfants ». Pourtant, les retraites ont déjà été sauvées par Balladur en 1993, par Fillon en 2003, par Woerth en 2010. Les projections du COR montrent que le système actuel peut fonctionner en quasi-équilibre jusqu’en 2070. Certes ces projections sont discutables puisqu’elles comportent une baisse de 26% du niveau des retraites par rapport aux salaires, mais, la réforme préconisée comporte une baisse identique puisqu’elle se plie à la même contrainte : ne pas augmenter le ratio dépenses de retraites/PIB.

Darmanin prétend que son gouvernement va « sauver nos retraites et celles de nos enfants ». Pourtant, les retraites ont déjà été sauvées par Balladur en 1993, par Fillon en 2003, par Woerth en 2010. Les projections du COR montrent que le système actuel peut fonctionner en quasi-équilibre jusqu’en 2070. Certes ces projections sont discutables puisqu’elles comportent une baisse de 26% du niveau des retraites par rapport aux salaires, mais, la réforme préconisée comporte une baisse identique puisqu’elle se plie à la même contrainte : ne pas augmenter le ratio dépenses de retraites/PIB.

Le principe de la retraite par répartition est que, chaque année, la part du PIB attribuée aux travailleurs doit être partagée entre les actifs et les retraités. De sorte que la question du partage en 2030 ou 2050 n’est guère modifiée par les choix fait en 2019. Les mêmes questions se poseront : faut-il que les retraités aient le même niveau de vie que les actifs (comme aujourd’hui) ? ou un niveau de vie beaucoup plus bas (comme en Suède ou en Allemagne) ? Darmanin agite la menace d’augmentations d’impôt ; ce n’est pas la question. D’un côté, il faut réduire les prélèvements de la finance sur les activités productives ; de l’autre, il faut garantir les retraites par la hausse des cotisations.

Darmanin nous dit «  : « on emprunte pour payer les retraites ». Pourtant, l’ensemble des régimes de retraités disposent aujourd’hui d’un patrimoine net de 127 milliards d’euros : ils n’ont donc pas emprunté, mais ont au contraire accumulé des réserves. (...)

Darmanin nous dit que la réforme garantit que les pensions ne baisseront pas. Encore heureux. Mais on aurait aimé qu’il nous dise qu’elles ne baisseront pas en pouvoir d’achat, et mieux qu’elles ne baisseront pas relativement aux salaires. (...)

« Le minimum retraite serait porté à 1000 euros pour tous ceux qui ont une carrière complète ». Selon la loi de 2003, pour une carrière complète au SMIC, le total, minimum contributif majoré + retraite ARRCO, devrait être de 85% du SMIC net, soit de 1023 euros, en ne tenant pas compte de la prime d’activité, mais de 1174 euros en en tenant compte. Il est en fait nettement plus bas, à 967 euros. La garantie ne tient que pour le moment de départ à la retraite : ce minimum n’étant indexé que sur l’inflation pour les personnes ayant liquidé leur retraite, il dérivera par rapport au SMIC. Au bout de 20 ans, une personne de 84 ans n’aura plus qu’une retraite de 70% du SMIC (si la hausse de pouvoir d’achat du SMIC est de 1% l’an). (...)

Darmanin prétend que les « mesures d’égalité sociale » que prévoit la réforme seront financées par les 8 milliards que coûtent à l’État les régimes spéciaux. Mais, c’est feindre d’oublier que, parmi les régimes spéciaux, certains sont en extinction (...)

Tout calcul fait, compte-tenu du nombre relativement faible de salariés dans ces régimes, une réforme ne pourrait au plus rapporter que 1,2 milliards par an, à terme, loin donc de 8 milliards. Ce n’est pas ainsi que le système sera globalement équilibré.

Darmanin prétend que la retraite va « corriger l’inégalité qui fait que les retraites des femmes sont inférieures de 40% en moyenne à celui des hommes ». Pour les générations qui prennent la retraite actuellement, l’écart de retraite est de 30%, ce qui correspond au 32% d’écart de salaires entre hommes et femmes (en intégrant différences de salaire, de temps de travail et de taux d’activité). On ne voit pas comment une réforme qui rendrait le système plus contributif serait plus favorable aux femmes. Pire, le rapport Delevoye prévoit que les congés parentaux ne donneront droit à une cotisation que sur la base de 60% du SMIC, que la majoration de durée d’assurance va disparaitre, que les couples devront choisir, à l’âge de 4 ans de l’enfant, si la majoration pour enfant élevé est attribuée au père ou à la mère. Comme la retraite anticipée du père est généralement plus élevée que celle de la mère, le risque est grand que beaucoup de couples attribue la majoration au père, ce qui aggravera les écarts de pension entre femme et homme et fera courir de grands risques à la mère en cas de séparation.

Darmanin ose dire à propos de la manifestation du 5 décembre : « C’est la première fois de l’Histoire que le RN et le PS manifesteront côte à côte ». C’est un élément de langage dicté par les communicants du pouvoir puisque Stanislas Guerini avait déjà prononcé la même phrase. Sachant qu’il s’agit d’une manifestation syndicale où le RN n’est clairement pas le bienvenu, cette phrase déshonore ceux qui la répètent.

La retraite constitue un droit social, un partage entre les actifs et les retraités, issu d’un ensemble de compromis sociaux. Elle est essentiellement financée par les salariés, sous forme de cotisations sociales ; les organisations syndicales devraient donc avoir le droit de gérer. Il n’est pas acceptable que la technocratie et les politiciens bateleurs la dégradent à leur guise.