
L’homme fort de la Roumanie et patron de la gauche Liviu Dragnea a été incarcéré lundi, quelques heures après sa condamnation pour corruption par la justice roumaine contre laquelle son gouvernement bataille depuis deux ans.
M. Dragnea, 56 ans, chef du Parti social-démocrate (PSD) au pouvoir, a été conduit à la prison de Rahova, dans la banlieue sud de Bucarest, à bord d’une voiture de police qui a été prise en chasse par un cortège de journalistes.
L’élu le plus puissant de Roumanie va y exécuter une peine de trois ans et demi de prison prononcée lundi par la Haute Cour de Cassation de la Roumanie, qui juge les responsables politiques en appel. La haute juridiction a confirmé le verdict prononcé en juin dernier contre le patron du PSD dans une affaire d’emplois fictifs.
L’incarcération de Liviu Dragnea, au lendemain d’un cuisant revers des sociaux-démocrates aux Européennes, pourrait marquer un tournant dans la vie politique du pays, dominée depuis des mois par le bras de fer entre la gauche et l’institution judiciaire sous le regard toujours plus inquiet de Bruxelles.
La Roumanie, qui occupe la présidence tournante de l’UE jusqu’en juillet, est profondément divisée entre un gouvernement de gauche très critique à l’égard de la gouvernance européenne et un président pro-européen de centre droit, Klaus Iohannis, qui briguera un deuxième mandat à la présidentielle en fin d’année. (...)
"Jamais la Roumanie n’aura connu tant d’événements importants dans un si court délai, entre l’humiliation aux urnes des partis au pouvoir et l’incarcération de celui qui est considéré comme l’homme fort du pays", commentait lundi soir le site roumain d’investigation HotNews.ro.
Liviu Dragnea se rêvait Premier ministre, puis prochain chef de l’Etat, après le retour gagnant du PSD aux législatives fin 2016. Mais son ambition avait déjà été contrariée par une précédente condamnation avec sursis pour fraude électorale, qui lui avait interdit de prendre la direction du gouvernement.
Il avait dû se contenter de la présidence de la Chambre des députés, assumant dans l’ombre un rôle de chef d’orchestre de la majorité. Il avait démontré son autorité en faisant chuter deux Premiers ministres en sept mois avant de faire nommer en janvier 2018 Viorica Dancila, une "marionnette parfaite", selon ses détracteurs. (...)
le chef du PSD s’est surtout attaché à assouplir la législation pénale et à brider le Parquet national anti-corruption, disant vouloir "mettre un terme aux abus dont ont été victimes des millions de Roumains", et combattre "l’Etat parallèle" que forment selon lui les procureurs.
Pour ses adversaires, ce bras de fer avec avec la magistrature ne servait qu’un objectif : lui permettre de blanchir son casier judiciaire afin de réaliser ses ambitions politiques. Ces initiatives de la gauche ont fait manifester des dizaines de milliers de Roumains dans les rues depuis deux ans. (...)
La réforme judiciaire qu’il a engagée a valu à Bucarest de nombreux avertissements de ses partenaires européens, dont un rappel à l’ordre début mai de la Commission, qui a prévenu que la Roumanie s’exposait à des sanctions "imminentes" si elle persistait dans cette voie. (...)