
La rage des étudiants qui fait écho dans les médias n’est qu’une pièce de l’effondrement d’une génération délaissée, stigmatisée et oubliée. Comment une pandémie a enlevé les « meilleurs années de nos vies » ? Pourquoi une partie de la société refuse d’écouter une population déconstruite ?
Cette tribune est un appel à nos dirigeants et dirigeantes, nos ainés et aux détracteurs d’une jeunesse perdue. Cette tribune parle des oublié·e·s, des épuisé·e·s, des incompris·e·s qui pullulent dans la population des 15 à 25 ans.
Nous appelons à l’aide, nous suffoquons, nous nous oublions.
Ce texte n’est que le reflet du triste spectacle d’une effroyable pandémie qui semble interminable comme l’interminable progression de la division sociétale d’une République morcelée. (...)
XANAX, Prozac, Séresta, etc…
Les premiers malades de la pandémie sont bien évidemment les victimes du COVID-19 mais ce wagon effroyable de malades et de morts cache un mal plus sournois, s’étalant sur la durée, trop souvent invisible et invisibilisé.
Ce mal n’épargne que peu de monde mais choisit une population cible, plus fragile, plus susceptible de tomber face à son pouvoir destructeur.
On oublie trop souvent de le nommer, ce mal qui s’abat sur ma génération et la contamine avant de l’intoxiquer à petit feu, c’est la détresse psychologique, l’anxiété, la dépression, l’insomnie systématique, les idées suicidaires, le mal de soi.
Ce mal est partout, dans les villes, dans les campagnes, dans les collèges, les lycées, les universités.
Je pensai que ce mal ne touchait que les personnes fragiles, mais je l’ai vu se répandre dans mon lycée, dans ma classe, dans mon cercle privé.
Je parle ici, de plusieurs lycéens et lycéennes subissant des signes inquiétants et symptomatiques d’une détresse exacerbée par la pandémie, la disparition d’un horizon, d’un avenir, les doutes en l’économie, la révolte envers des ainé·e·s qui nous ont oublié·e·s, la révolte envers une population qui a dégradé notre environnement en connaissant les conséquences sur la planète, les espèces et les générations futures.
Les bonbons, sucettes et chewing-gums ont été remplacés par des somnifères, des sédatifs, des anxiolytiques et autres antidépresseurs.
Le couvre-feu nous a fait entrer dans un nouveau processus, celui du métro, boulot, dodo, hosto ou plutôt étude, inquiétude, incertitude, solitude. (...)
Une chose m’insupporte terriblement, je ne suis pas le seul à en être agacé.
Cette chose, c’est le mépris volontaire ou banalisé de nos ainés parlant de notre génération. Les exemples sont nombreux et récents, même emmenant de notre gouvernement. Sur les plateaux de télévision, où est la jeunesse ? dans les journaux, où est la jeunesse ? Nous sommes en tant que population trop souvent oubliée des médias, gommée, ou sinon caricaturée voire critiquée.
Le non-respect des gestes barrières a souvent été reproché à notre génération, personnellement, les seuls « antimasques » que j’ai croisés ont entre 40 et 80 ans. (...)
Accuser une population comme les « boomers » ne ferait que de répéter le processus de stigmatisation que ma génération a déjà trop subi. Aucune génération n’est responsable, aucune génération ne doit être pointée du doigt, aucune génération ne doit être mise en marge de la société, pourtant c’est le cas de la mienne depuis le début de la pandémie en France.
Le constat de certain·e·s journalistes, éditorialistes, personnalités politiques est que nous ne faisons que de nous plaindre, de nous lamenter, d’exagérer. Certains nous étiquettent comme une population épargnée par la pandémie, qui ne peut se plaindre. D’autres osent décrédibiliser nos plaintes, nos douleurs, nos peines, en comparant la situation de notre génération avec des évènements qui non aucun rapport comme les années SIDA, la guerre d’Algérie, la seconde Guerre Mondiale ou encore Verdun. Ces mêmes personnes ont généralement vécu ni la guerre, ni la discrimination, ni la faim, ni la maladie, ni le manque de moyens financiers, ni la marginalisation. (...)
après sera capital.
Cette colère, cette détresse, laisse place à la peur. Notre génération a peur, peur de l’après COVID, peur de ce qu’il restera ou pas de notre économie, peur de notre système économique et de ses dérives, peur de n’avoir plus d’avenir.
Les jeunes non plus de vision d’avenir, conséquence de la crise sanitaire, de la fracture sociale, de la montée de l’extrême-droite et de la dégradation exponentielle de notre environnement. (...)
À quoi bon étudier, si nous ne pourrons pas avoir de travail, si notre système économique ne fait que creuser les inégalités surtout en période difficile et que ce même système est instable.
Le point sur l’économie se termine, preuve que je navigue à l’aveugle et que je ne sais ni où nous allons, ni comment nous y allons.
J’ai peur, peur de l’après, peur des conséquences économiques, peur d’étudier sans finalités.