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SITUATION EXPLOSIVE DANS LES CENTRES DE RÉTENTION
Article mis en ligne le 27 septembre 2018

La multiplication des violences et des tensions dans les centres de rétention administrative (CRA) est le résultat d’une politique d’enfermement des personnes migrantes. La responsabilité du gouvernement est engagée face aux conséquences gravissimes de ces choix.

Être privé de liberté et menacé d’une expulsion constitue, en tant que tel, un traumatisme qui marque déjà chaque année 50 000 femmes, hommes ou enfants en France. Pourtant, depuis près d’un an, le gouvernement a résolument décidé d’utiliser ces lieux de privation de liberté de façon encore plus intensive.

Aujourd’hui, les centres de rétention administrative (CRA) craquent. D’abord parce qu’ils sont utilisés à pleine capacité ce qui les rend explosifs, en raison de la promiscuité et de l’addition des tensions. Ainsi, depuis le début de l’année 2018 et comparativement à 2017, le nombre de personnes enfermées a augmenté de 55 % à Rennes, 41 % à Toulouse, 20 % à Bordeaux ou encore de 30 % à Cayenne et en Guadeloupe.

La situation est aggravée par un manque de prise en compte sérieuse de la vulnérabilité des personnes, de leur éventuelle pathologie psychiatrique, ou de leurs antécédents. Ceci en amont de la décision préfectorale de « placement » en rétention, mais aussi tout au long des 45 jours de cette privation de liberté. Les unités médicales pallient comme elles peuvent cette carence, étant elles-mêmes soumises à une baisse tendancielle des effectifs, alors que les besoins médicaux explosent. La politique menée consiste à enfermer, et maintenir enfermé, en évitant coûte que coûte des libérations. Le nombre de personnes dont l’état est manifestement incompatible avec la rétention est en très forte augmentation.

Dans le même temps, les effectifs de police, déjà insuffisants, n’ont pas été renforcés en conséquence. Des syndicats de police indiquent que la sécurité de ces lieux est compromise. Certaines escortes vers les tribunaux où les personnes peuvent tenter de faire valoir leurs droits ne peuvent même plus être assurées. Des faits de violences policières sont rapportés, dans ce contexte qui peut en être une des causes.

La violence d’un univers carcéral

Les tensions quotidiennes générées par cet enfermement dans un univers très carcéral, produisent sur les personnes des réactions d’autodéfense, réveillent des traumatismes et des angoisses profondes. Ainsi, agressions, insultes, actes auto-agressifs, sont de plus en plus fréquents. (...)

D’autres manifestations inhabituelles reflètent le degré de violence atteint au sein des CRA. À Bordeaux, le 6 septembre, des personnes provoquent une émeute dans le CRA situé au sous-sol du commissariat de police. Des portes sont détruites ainsi que les sanitaires, des distributeurs, des téléphones ou du matériel informatique. À Rennes, une révolte similaire va jusqu’à des tentatives d’incendie.

Des conditions matérielles indignes

Par ailleurs, nombre de CRA sont marqués par des conditions matérielles indignes, en particulier des locaux extrêmement sales, faute de personnel suffisant pour assurer le nettoyage. Les déchets, la crasse incrustée dans les sols, des sanitaires très douteux forment aussi le quotidien des milliers de personnes enfermées.

L’absence de considération des plus vulnérables est également symptomatique de cette machine qui piétine leur dignité. (...)

Enfin, ces événements particulièrement graves sont alimentés ou provoqués par des violations des droits répétées, de plus en plus assumées par les pouvoirs publics. La Cimade les a déjà largement dénoncées et quantifiées.

Mais les dernières observations révèlent des pratiques qui vont toujours plus loin, comme ces personnes expulsées de Guadeloupe ou d’autres départements après 10 à 20 ans de résidence en France. Des mineur·e·s isolé·e·s, comme Nakachia, pourtant âgée de 14 ans, dont l’âge est remis en question par l’administration et qui sont enfermé·e·s alors que la loi le prohibe. Des personnes renvoyées vers des pays à risque, directement ou via des pays européens qui s’en chargent, en particulier vers l’Afghanistan malgré la situation sur place. Des personnes qui frôlent l’expulsion, et finissent, à force de lutter, par obtenir le statut de réfugié·e en rétention après être passées par des zones d’attente dans les aéroports. Des expulsions exécutées alors qu’un recours déposé l’interdisait avant la décision d’un juge. Des pères ou des mères sont enfermé·e·s en rétention, contraint·e·s d’abandonner temporairement leur enfant à une tierce personne pour leur éviter cette privation de liberté, avec le risque d’être définitivement séparé de leur enfant. Des personnes évacuées de campements, comme celui de Grande-Synthe, qui sont davantage enfermées dans le but de les éloigner de leur habitat précaire, que du territoire français.

Dans ce contexte, qui n’est pas sans rappeler celui de juin 2008, période marquée par le décès d’un homme au CRA de Vincennes et d’un incendie qui l’avait détruit, le passage à une durée maximale de rétention de 45 à 90 jours, entraînera sans aucun doute une détérioration de cette situation.

La Cimade demande au gouvernement, dont la responsabilité est engagée face à cette situation grave, de prendre des mesures en urgence et de mettre fin à cette politique délétère.