Première facette du boulot d’APS : la sensibilisation aux dangers du désert et des hommes qui le mettent en coupe réglée.
Le 13 décembre dernier, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) annonçait la découverte de 27 corps en plein Sahara, dont ceux de quatre enfants. Des personnes en exil parties en pick-up de Moussoro, au Tchad, 17 mois plus tôt, en direction de la Libye, vraisemblablement mortes de soif après la panne de leur véhicule. Il a donc fallu près d’un an et demi pour que leurs corps soient découverts, délai macabre soulignant à quel point le Sahara est une zone grise, un angle mort où les drames se jouent loin des regards.(...)
Diory Traoré, militante malienne du droit des personnes exilées : « Je dis parfois qu’il y a plus de décès de migrants dans le Sahara que dans la Méditerranée. Sachant qu’il y a une grande différence avec la mer qui, elle, expulse souvent les corps. Dans le désert, les morts sont rapidement recouverts de sable, comme si rien ne s’était passé. »
Le cadenas nigérien (...)
au Niger ces derniers temps tout va de mal en pis pour les personnes exilées. Le principal coupable ? L’Europe, qui finance grassement les autorités pour qu’elles les bloquent largement en amont de leur destination. Le Niger est en effet – avec la Libye, la Turquie ou le Maroc – l’un des principaux pions de la stratégie d’externalisation de la gestion des frontières européennes (...)
Un échange de bons mauvais procédés, ainsi résumé par le journaliste Rémi Carayol [lire p. 5 à 7], spécialiste de la région : « Si le gouvernement du Niger a pris le parti de tout cadenasser, c’est qu’il y trouve un double intérêt : d’un côté, l’argent coule à flots en provenance de l’Europe, de l’autre, il a accru son contrôle sur le territoire. Pour les migrants, par contre, c’est une catastrophe. Contraints à la clandestinité, ils sont forcés d’adopter de nouvelles routes vers l’Algérie ou la Libye. D’autres passent par le nord du Mali malgré les risques liés à la présence de groupes djihadistes. D’autres encore se tournent vers la voie maritime atlantique, où les naufrages se multiplient. »
« Tout ce qui ressemble à une forme d’hospitalité ou de commerce transfrontalier a été banni de la région » (...)
Alarm Phone : la solidarité pour repousser le désert (...)
Première facette du boulot d’APS : la sensibilisation aux dangers du désert et des hommes qui le mettent en coupe réglée. (...)
De passage à Marseille en décembre dernier, Diory Traoré est un concentré de détermination militante. Alors qu’elle est également impliquée dans l’Association pour la défense des émigrés maliens et dans le réseau Afrique-Europe-Interact, c’est Alarm Phone Sahara (APS), dont elle est la cofondatrice, qui était au centre de nos discussions lors de notre rencontre. Ce réseau transnational d’assistance, doté d’une antenne à Agadez, est basé sur le même principe qu’Alarm Phone Méditerranée7 : la mise en place d’une ligne téléphonique d’assistance aux personnes en détresse.
(...) « Concernant les passeurs, on leur explique que les personnes de confiance sont connues, qu’il ne faut pas partir avec des gens sortis de nulle part, susceptibles de les abandonner en plein désert. On leur rappelle aussi qu’il faut faire attention au matériel, s’assurer par exemple que les passeurs sont munis d’un téléphone satellite. »
« On s’appuie aussi sur un réseau de lanceurs d’alerte disséminés dans le désert » (...)
En cas de problème sur la route, la structure dispose notamment d’un triporteur motorisé pour récupérer les personnes en détresse. Leur lieu d’intervention principal : la zone frontalière algéro-nigérienne où les militaires algériens abandonnent les personnes en plein désert, à quinze bornes d’Assamaka. Ailleurs, les solidarités s’organisent (...)
En plein développement, la structure s’appuie aussi sur les solidarités locales. Diory mentionne par exemple un point de passage connu des exilés, « le puits de solidarité », creusé par des villageois souhaitant apporter leur aide. La militante veut y voir l’amorce de réseaux plus développés, notamment dans cette zone de non-droit que reste le désert algérien. (...)