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Basta !
Salaire minimum, accueil des migrants, sortie du nucléaire, mariage gay : Angela Merkel serait-elle de gauche ?
Article mis en ligne le 22 septembre 2017

Les Allemands sont appelés aux urnes le 24 septembre pour renouveler leur Parlement. Angela Merkel a toutes les chances de remporter un quatrième mandat. Quel est le secret de cette longévité ? Conservatrice, prônant l’austérité en Europe avec les terribles conséquences sociales que l’on sait, sa politique ne peut cependant se résumer à cette dimension.

C’est sous son gouvernement que l’Allemagne est sortie du nucléaire, que les énergies renouvelables se sont multipliées, qu’un salaire minimum a enfin été instauré, que des centaines de milliers de migrants ont été accueillis, que le mariage gay a été voté. Angela Merkel serait-elle finalement de gauche ? Basta ! a posé cette question provocatrice aux mouvements sociaux allemands.

(...) Ni Merkel, ni son parti, n’ont gouverné seuls. De 2005 à 2009, puis de 2013 à 2017, la chancelière a tenu les reines du pays aux côtés du Parti social-démocrate, dans le cadre d’une grande coalition. Son bilan est donc à nuancer en fonction des rapports de force internes à cette coalition. Travail, politique migratoire, transition énergétique… Basta ! a interrogé les acteurs des mouvements sociaux allemands sur le bilan de Merkel.

Keynésienne en Allemagne, fanatique de l’austérité en Europe

« Sur la crise grecque, le gouvernement allemand a suivi une ligne très dure. Cela a eu des effets contre-productifs et a réveillé des sentiments anti-allemands en Europe, analyse Peter Wahl, d’Attac Allemagne. Mais sur la crise européenne de la dette, c’est en fait Wolfgang Schäuble, le ministre des Finances de Merkel depuis 2009, qui a pris en charge la management de la crise. » Le sujet est certes moins présent aujourd’hui dans le débat public allemand. Mais l’intransigeant Schäuble n’a pas pour autant disparu de la scène politique. « Et il a les mêmes positions sur la crise grecque », ajoute Peter Wahl. (...)

Massification de la précarité mais création d’un salaire minimum

Lors des élections de 2009, la CDU, arrivée encore une fois largement en tête, conclut une alliance avec le parti libéral FDP. Exit donc les sociaux-démocrates. « Sous cette législature, le gouvernement mène une politique hostile envers les travailleurs, au seul profit des employeurs. Les aides pour la formation et l’accompagnement des chômeurs ont été ainsi drastiquement baissées », poursuit le responsable syndical.

À partir de 2013, pour son troisième mandat, Merkel reconduit cette fois la coalition avec les sociaux-démocrates. C’est sous la pression du SPD que l’Allemagne adopte finalement un salaire minimum légal interprofessionnel, mis en place en janvier 2015 [1]. « La mise en place d’un salaire minimum est très important pour l’Allemagne. Mais nous avons toujours un grave problème de travail précaire. L’emploi se développe certes, mais nombre des nouveaux emplois sont si mal payés que le niveau de pauvreté ne baisse pas. » L’Allemagne affiche l’un des taux de travailleurs pauvres les plus élevé d’Europe, avec plus de 7 millions de salariés très mal payés (...)

Migrants : après l’ouverture, les deals avec le régime autoritaire turc et la Libye

Été 2015, la guerre en Syrie dure depuis quatre ans. Des centaines de milliers de réfugiés sont déjà arrivés en Allemagne depuis le début de l’année. Une grande partie de la société allemande s’engage sur le terrain pour leur accueil, alors que les pouvoirs publics laissent souvent le chaos s’installer.

Des dizaines de milliers d’autres réfugiés ont quitté la Turquie pendant l’été, via la Méditerranée et la Grèce, et ont pris la route des Balkans en direction de l’Europe de l’Ouest (lire notre reportage). Début septembre 2015, ils se retrouvent coincés en Hongrie. La situation devient explosive, les conditions sanitaires se dégradent. Le 5 septembre, Angela Merkel déclare que l’Allemagne ne leur fermerait pas ses portes. (...)

"Ensuite, la réalité de la politique allemande en matière de migration a changé. Dès le 5 octobre 2015, Merkel a commencé à négocier un “deal” avec la Turquie, qui est entré en vigueur en mars 2016, pour empêcher les réfugiés, en particulier syriens, d’aller vers l’Europe. Ce n’est pas un accord voté par le Parlement européen, c’est juste un “deal” avec le président turc. »

Après l’ouverture, le gouvernement allemand adopte aussi une série de mesures facilitant les expulsions, et « rendant les conditions de vie des réfugiés plus difficiles », ajoute Karkl Kopp. « Mais c’est le ministre de l’Intérieur de Merkel, Thomas de Maizière (CDU), qui prend en charge la politique d’expulsion. Merkel, elle, est constamment attaquée par l’extrême droite comme étant la “chancelière des réfugiés”. Mais c’est bien elle qui conclut des “deals” pour maintenir les réfugiés hors d’Europe, avec la Turquie en 2016, et maintenant avec la Libye. »

Une chancelière pro-nucléaire horrifiée par Fukushima

« Avant mars 2011, Merkel était une chancelière pro-nucléaire, tient à rappeler Susanne Neubronner, de Greenpeace Allemagne. Une première décision de sortie du nucléaire avait déjà été prise en Allemagne au tout début des années 2000 par le prédécesseur de Merkel au pouvoir, Gerhard Schröder (SPD), alors en coalition avec les Verts. (...)

« Après Fukushima, du fait qu’il y avait en Allemagne un mouvement anti-nucléaire très fort, Angela Merkel décide qu’il faut bel et bien sortir du nucléaire. Elle s’y est tenue depuis », constate Susanne Neubronner. La responsable de Greenpace Allemagne critique cependant une sortie du nucléaire qui ne sera pas complète tant que l’Allemagne ne fermera pas aussi ses installations d’enrichissement d’uranium. Cet uranium est ensuite livré vers d’autres pays européens pour servir de combustible dans les centrales.

« L’Allemagne se garde bien de s’engager pour une sortie globale du nucléaire. Le gouvernement ne fait pas campagne à l’extérieur pour une sortie du nucléaire, contrairement à l’Autriche qui a toujours mené une politique antinucléaire également hors de ses frontières, souligne aussi Susanne Neubronner. La chancelière ne dit rien sur le projet de nouvelle centrale à Hinkley Point en Grande Bretagne ni sur celui de nouvelle centrale nucléaire en Hongrie. »

Essor sans précédent des énergies renouvelables, immobilisme sur le charbon (...)

point noir, et de taille : la question du charbon. Le combustible ultra-polluant compte toujours pour 40 % de l’électricité allemande. « Sur le volet du charbon, rien n’a été fait, regrette l’experte de Greenpeace. Or, sans une mise à l’arrêt de centrales à charbon, l’Allemagne ne respectera pas ses objectifs en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. » L’immobilisme du dernier gouvernement vient aussi du SPD. « Les conservateurs ne font rien sur le charbon par clientélisme et parce qu’ils sont à l’écoute des lobbys. Pour le SPD, il y a l’argument de l’emploi. Il y a bien un mouvement d’activisme climatique en Allemagne qui milite pour une sortie du charbon. Ce mouvement grandit, mais il n’est pas encore aussi fort et surtout pas aussi implanté dans l’ensemble de la société que l’était le mouvement antinucléaire, en 2011. »

Mariage gay : Merkel fait passer la loi mais vote personnellement contre (...)

C’est aussi elle qui ouvre la voie à l’autorisation de l’adoption par un partenaire d’un couple homosexuel de l’enfant déjà adopté par l’autre partenaire. « Les avancées qui ont eu lieu ces dernières années ont été le fait de décisions de la cour constitutionnelle, pas d’une volonté politique des gouvernements, souligne Jörg Steiner. En fait, sur les sujets LGBT, Merkel ne s’est jamais engagée pour plus d’égalité. Mais elle sait aussi reconnaître, comme sur d’autres sujets sociaux, à quel moment ce n’est plus possible de lutter contre ce qui se passe dans la société. De toute façon, elle ne s’exprime jamais clairement sur rien. » Voilà peut-être les deux secrets de sa longévité.