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Solitude, panique et radiation : ma plongée dans le quotidien des usagers de Pôle emploi
Article mis en ligne le 10 mai 2017

Cécile Hautefeuille est journaliste. Le 10 mai, elle sort "La Machine infernale, racontez-moi Pôle emploi" aux éditions du Rocher. Inscrite pendant deux ans en tant que demandeuse d’emploi, elle a recueilli les témoignages de ceux que les chiffres qualifient de "chômeurs", en ignorant pourtant une part de la réalité. Elle revient sur la solitude qui règne souvent des deux côtés du guichet et l’échec d’un système qui ne parvient pas à traiter l’humain correctement.

Je me suis intéressée pour la première fois à Pôle emploi un petit peu avant 2011. Un de mes proches venait de se faire radier de la liste des demandeurs d’emploi, de manière abusive. Il avait passé deux mois sans percevoir un seul centime parce qu’il ne s’était pas présenté à un rendez-vous… dont il n’avait pas reçu la convocation.

J’ai fait des recherches sur internet en espérant pouvoir l’aider. C’est comme ça que je suis tombée sur le site Recours Radiation et que j’ai commencé à halluciner devant l’ampleur du problème. Je me suis mise à travailler sur le sujet pour "Siné Hebdo" (pour qui il m’est arrivé de piger à l’époque), c’est comme ça que j’ai mis mon premier pied dans la machine. (...)

Avec une amie, nous avons décidé de monter un blog, la Minisphère du chômage et des idées reçues, non pas pour concurrencer Recours Radiation, mais pour ouvrir une porte supplémentaire à tous ceux que le chômage isole. C’est de cette démarche qu’est née "La Machine infernale".

Pour écrire ce livre, je me suis littéralement plongée dans Pôle emploi. (...)

La solitude, dénominateur commun des demandeurs d’emploi

Les demandeurs d’emploi que j’ai rencontrés souffrent de leur situation à différents égards, mais ce qui les réunit, c’est la solitude qu’ils ressentent face à la machine Pôle emploi. D’abord, il y a le fait que 21% des Français qui ont internet ne se sentent pas à l’aise avec, sachant que c’est pourtant nécessaire pour s’inscrire à Pôle emploi. Beaucoup de gens, notamment en zone rurale, n’ont pas d’adresse e-mail ni même de terminal à la maison. Ce qui créé une inégalité entre les demandeurs d’emploi.

Ensuite, il y a tous les rendez-vous manqués avec l’institution, les convocations qui arrivent deux jours après le jour J, les conseillers qui changent sans que le demandeur d’emploi ne le sache, les agences qui déménagent sans que personne ne soit prévenu… (...)

L’image dévastatrice du chômeur fainéant

En tant que demandeur d’emploi, on se sent responsable de ce qui nous arrive, tout en subissant une situation qu’on n’a pas choisie. Certains responsables politiques ne se privent pas quand il s’agit de nous faire passer pour des fainéants qui ne veulent vraiment pas travailler, des messages qui sont allègrement repris dans nos entourages, peu importe la situation de chacun.

Beaucoup de gens ignorent par exemple que l’on peut cumuler des allocations chômage et un salaire. Qu’on peut trouver du travail ou des missions sans pour autant être assez payé pour pouvoir se passer de Pôle emploi. Combien savent qu’il existe cinq catégories de chômeurs différentes ?

De l’autre côté, on culpabilise aussi quand on refuse une offre qui ne correspond ni à notre profil, ni à nos compétences (...)

Ce constat, c’est celui d’un manque de moyens, de la précarité au sein même de Pôle emploi, mais aussi de la hausse du nombre de demandeurs depuis la création de la machine. La situation est telle qu’il ne peut pas y avoir de traitement au cas par cas, alors que c’est précisément ce dont on a besoin quand on met un pied à Pôle emploi. (...)