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« Sous la douche, le ciel » : chronique d’une lutte pour la dignité des sans-abris et des précaires
Sous la douche le ciel, 2018, 85 minutes Réalisation : Effi & Amir Production/diffusion : CVB (Centre vidéo de Bruxelles), BX1, CBA - Centre de l’Audiovisuel de Bruxelles, La Chose à trois jambes. Le film peut être visionné gratuitement pendant une semaine
Article mis en ligne le 24 février 2019

Comment raconter, à l’heure des sanctions contre les chômeurs, des politiques urbaines anti-SDF et des coupes sociales généralisées, la lutte des plus précaires pour leur dignité ? Sans jamais tomber dans la condescendance ou le constat d’impuissance, Sous la douche, le ciel, film documentaire des réalisateurs Effi et Amir, prend le parti de l’humour et d’un regard centré sur l’intime pour questionner frontalement les velléités à la fois excluantes et profondément intrusives du monde actuel. Valorisant la parole et sa dimension politique, le film interroge aussi l’action, et notre capacité à transformer la réalité.

Sous la douche, le ciel suit l’association bruxelloise DoucheFlux pendant cinq ans, de 2012 à 2017. Le film, réalisé par le duo d’artistes Effi Weiss et Amir Borenstein – « Effi et Amir » –, raconte ses efforts pour mettre en place un bâtiment dédié aux douches publiques et à des services d’hygiène pour les sans-abris et les populations précaires. L’association revendique le luxe, pour redonner confiance à des citoyens d’abord préoccupés par leur survie. En proposant une telle initiative, l’association met en cause la responsabilité sociale de l’État.

Le projet, qui porte au grand jour la question de la pauvreté, apparaît comme non conforme et déplacé par rapport à la politique urbaine bruxelloise. Il fait face à des refus répétés de la part de l’administration et des investisseurs privés. Ces affrontements prennent les allures d’une comédie à suspense. Le récit se nourrit d’une tension entre le bon sens du projet et la non-réactivité du système.

L’humour pour raconter l’absurde (...)

Aux côtés du personnage de Laurent d’Ursel, le film donne la parole aux membres de DoucheFlux, y compris des personnes sans domicile. Face à des politiques déconnectées des réalités, les personnages préfèrent en rire. Néanmoins, malgré les situations burlesques, le film ne tombe jamais dans le cynisme. Il montre aussi la réalité dramatique de ce conte contemporain. (...)

Invisibilisation et surveillance des exclus
L’intimité est frontalement interrogée. Elle est symbolisée par la douche, symbole de la propreté et d’une certaine distinction sociale. La douche est le point du départ et d’arrivée du film. Elle initie et clos le récit, tout comme elle ponctue nos journées au quotidien. Les réalisateurs font de ces quatre murs un lieu de bien-être, mais aussi un confessionnal : des interviews des membres de l’association sont réalisées dans leur salle de bain.

Le film traite aussi de la marginalité, « des invisibles » et des personnes blessées et abîmées par la société (...)

Le centre d’accueil doit obéir à cette double contrainte : ne pas être situé dans un lieu trop central, trop fréquenté, mais être vitré, transparent et visible. Voilà tout l’enjeu de la lutte : la visibilité de la misère, que l’État veut contrôler et étouffer.

Sous la douche, un cri dans le ciel
Sous la douche, le ciel est un film de parole. La voix – les échanges entre protagonistes, les monologues des membres interviewés – est le déclencheur de l’action. Les personnages se confient, depuis le plateau de la radio de l’association jusque dans la salle de bain des personnes interviewées. La parole devient matière sonore au sein du film, une forme à part entière. Elle dessine une polyphonie de voix humaines, de revendications citoyennes, unies face au silence des institutions politiques. Par la parole, le film donne un relief aux tensions entre espace clos et espace public.

La parole montre aussi les failles du système et se répercute au-delà de nos salles de bain. (...)