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La quadrature du net
Surveillance sonore : Orléans baratine la justice
#CNIL #surveillance #technopolice #laQuadratureDuNet
Article mis en ligne le 13 janvier 2023
dernière modification le 12 janvier 2023

Il y a plus d’un an, La Quadrature du Net a déposé un recours contre un contrat passé par la ville d’Orléans qui autorise l’expérimentation de capteurs sonores dans l’espace public. L’été dernier, la commune défendait sa surveillance privée en adoptant la stratégie du baratin : raconter le plus de bêtises possibles pour embrouiller le tribunal administratif. Nous venons de lui répliquer.

Comme cela a déjà été fait à Saint-Étienne, Marseille, Paris ou Moirans, l’objectif est de faire tomber ce nouveau projet de Technopolice. Il s’agit d’un énième dispositif néfaste issu d’une start-up, ici Sensivic, qui utilise comme tremplin marketing l’avidité de certain·es élu·es pour la surveillance totale des populations.

En octobre 2021, nous avions appris que la ville d’Orléans avait signé une convention avec l’entreprise Sensivic pour expérimenter des « capteurs sonores » sur sa population. Dans la droite lignée de ce qui avait été tenté à Saint-Étienne, le projet consiste à déployer des « détecteurs de sons anormaux » (une douce expression pour « mouchards ») sur des caméras de surveillance.

L’idée, selon les termes de la convention, est « d’analyser en permanence le son ambiant pour pouvoir détecter des anomalies » et ainsi orienter les caméras ou les agents de police vers la source des bruits considérés comme « anormaux » par le micro. En somme, lier à la surveillance automatique visuelle, déjà déployée en masse dans nos villes, une surveillance sonore. En attendant la surveillance des odeurs, comme cela avait été évoqué en 2020 dans un livre blanc du ministre de l’Intérieur ?
La surveillance sonore ne passera pas

Des caméras, des micros, l’ensemble boosté par une supposée « intelligence artificielle » pour effacer toute trace d’anormalité dans nos villes… Non seulement ce projet est un énième fantasme sécuritaire né d’une start-up prête à tout pour rentabiliser son stand à Milipol (le salon parisien de la sécurité), mais il est aussi purement illégal. C’est ce que nous essayons de faire constater au tribunal administratif d’Orléans depuis désormais plus d’un an.

Pour cela, nous nous appuyons sur un précédent très similaire : la CNIL a en effet déjà considéré comme illégal un projet de surveillance sonore déployé quelques années plus tôt à Saint-Étienne. C’est notamment sur la base de cette analyse de la CNIL que nous avons attaqué l’expérimentation d’Orléans, déposant non seulement un recours devant le tribunal administratif mais aussi une plainte devant la CNIL pour la forcer à prendre position. (...)

Orléans fait figure d’exemple type. Ainsi, la ville refuse de voir le produit de la société Sensivic qualifié de micros et préfère parler de « détecteur de vibration de l’air ». Cela ne s’invente pas. La commune pense ainsi perdre le juge et la CNIL en inventant sa novlangue et en préférant des mots creux qui feraient oublier qu’il s’agit d’une surveillance permanente et totale de l’espace public. (...)

Pire ! Le discours de la ville d’Orléans devant la justice entre en contradiction non seulement avec les termes mêmes de la convention passée (la convention que nous attaquons parle de « capteur sonore ») mais aussi avec la communication officielle de Sensivic, qui explique aux communes sur son site que « vos caméras peuvent maintenant avoir des oreilles affûtées ». (...)

Surveiller les gens, cela rapporte de l’argent

Entre temps, et sans être le moins du monde inquiétée par les autorités (qui l’ont plutôt encouragée), Sensivic, l’entreprise qui travaille avec Orléans sur cette surveillance, a tranquillement prospéré, continuant d’amasser les projets et les financements sur son business de surveillance sonore.

Présentant fièrement ses produits de surveillance au salon Viva Technology, la start-up a bénéficié d’une levée de fonds de plus de 1,6 millions d’euros en 2022 auprès d’un ensemble d’investisseurs, dont la BPI (la Banque Publique d’Investissement), fidèle investisseuse des pires projets de la Technopolice (dont le logiciel de surveillance TestWe, sanctionné il y a quelques semaines par la juridiction administrative).

Sur son site, la startup annonce d’ailleurs 1 542 détecteurs installés en France, Belgique et Suisse, et une équipe de 12 salarié·es, tous·tes dédié·es au déploiement d’une surveillance sonore de nos rues et villes, couplée à la vidéosurveillance déjà existante. 

Tout cela gravite dans un petit monde d’entreprises de surveillance, d’associations de lobbys et de financeurs bien habitués entre eux. (...)

Nous espérons bien gagner ce nouveau contentieux, devant la juridiction administrative et devant la CNIL, pour mettre un nouveau coup d’arrêt à l’extension de la Technopolice. Après la victoire contre le logiciel de surveillance des étudiant·es TestWe, cela serait une nouvelle encourageante dans la lutte qui s’annonce contre les Jeux Olympiques 2024