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Tandis que le spectre de la guerre civile hante les États-Unis Bernie Sanders et ses socialistes partent à l’assaut du pouvoir et du... ciel !
Yorgos Mitralias est journaliste, fondateur du Comité grec contre la dette et membre de la Commission pour la vérité sur la dette grecque, ainsi que du CADTM.. Texte écrit pour la revue d’Attac-France Les Possibles
Article mis en ligne le 28 mai 2019

L’idée reçue qui veut que les Américains soient imperméables au socialisme a manifestement la vie dure dans la gauche européenne. En effet, trois ans après que le socialiste indépendant Bernie Sanders eut fait un carton, à tel point que la direction du Parti démocrate fut obligée de recourir aux pires tricheries pour le priver de sa victoire sur Hillary Clinton et de la nomination du parti à la présidentielle de 2016, force est de constater que la gauche européenne – de toutes sensibilités – continue de rester impassible devant la percée toujours plus spectaculaire des idées socialistes aux États-Unis. Alors, aucune surprise si elle montre peu d’intérêt pour les conséquences et les manifestations politiques et sociales de cette percée et n’arrive pas à profiter de leur impact en Europe et de par le monde.

Et pourtant, les manifestations de cette percée socialiste sont désormais légion, crèvent les yeux, et jour après jour occupent le devant de la scène politique nord-américaine Tout d’abord, selon tous les derniers sondages et enquêtes d’opinion, le socialiste Bernie Sanders n’est plus l’outsider qu’il était en 2016, mais le grand favori (front runner) parmi les candidats démocrates, tandis qu’il bat clairement Trump ! Et aussi, toutes les revendications phares de son programme considérées “utopiques” et “socialistes” en 2016 par les pontes des grands médias, jouissent maintenant du soutien de la grande majorité des États-uniens ! Et comme si tout cela ne suffisait pas, les meetings quotidiens de Bernie Sanders provoquent un engouement populaire sans précédent dans tout le pays, tandis que sa campagne électorale se targue d’avoir grossi ses rangs de plus d’un million d’activistes volontaires en moins d’une semaine. D’ailleurs, quoi de plus normal quand on sait que la majorité de ces Millennials de 18 à 35 ans, déclarent “préférer le socialisme au capitalisme” et n’ont aucun problème pour se définir “socialistes”…

1. Du jamais vu : la jeunesse américaine tentée par le socialisme

Alors, ce n’est pas un hasard si « on voit se multiplier ces derniers temps aux USA, les événements fondateurs d’un changement social mais aussi politique qui pourraient avoir une importance historique pour tout le monde ». (...)

2. L’émergence d’une troisième force politique radicale et de gauche !

Et pourtant, les médias internationaux, qui ne parlent que de la nouvelle majorité des Démocrates à la Chambre des représentants, persistent à ignorer superbement la grande leçon des élections de novembre 2018 : l’émergence d’une troisième force progressiste et radicale, laquelle “enfonçait un coin dans le bipartisme séculaire” (...)

3. Un mouvement de millions de volontaire radicaux contre La Mecque du capitalisme

Nous voici donc entrés dans le vif du sujet, dans l’actualité la plus brûlante du gigantesque affrontement de classes en cours aux États-Unis d’Amérique. Car ce qui importe ici n’est pas évidemment de déterminer si les revendications de Bernie Sanders et du mouvement social telle “l’assurance maladie pour tous” (Medicare for all) ou l’imposition des ultra-riches (qui ne payent pas d’impôt) à hauteur de 70 % de leurs revenus, sont... “socialistes” ou “bourgeoises”. Ce qui est important, c’est de comprendre et analyser la dynamique sociale et politique dont sont porteuses ces revendications dans un contexte donné, celui des États-Unis d’Amérique au temps de l’actuelle crise historique de leur système politique et social et de l’extrême polarisation de leur société ! Une dynamique qui inspire et met déjà en mouvement ceux d’en bas, en même temps qu’elle inquiète ou même fait paniquer ceux d’en haut, qui, se sentant – à juste titre – menacés et en danger, préparent déjà leur riposte de classe…

Ce qui fait donc qu’un programme de réformes, dont la plupart n’ont rien de très radical, met aujourd’hui le feu aux poudres et provoque une telle exacerbation des passions, c’est d’abord que ses initiateurs se montrent déterminés à aller jusqu’au bout de leur projet, refusant d’avance tout compromis “pourri”. C’est ainsi que Bernie Sanders parcourt le pays martelant jour après jour le même message, sans jamais mâcher ses mots quand il s’agit de désigner l’ennemi (de classe) et d’appeler ceux d’en bas au combat. Son appel est plus qu’éloquent :

« Nous avons maintenant un million de volontaires prêts à se retrousser les manches et à se mettre au travail pour assurer que nous allons gagner la nomination démocrate, battre Trump et transformer la vie économique et politique de notre pays. Je pense que vous comprenez tous que, quand on parle de couverture maladie pour tous, quand on parle d’augmentation du salaire minimum, quand on parle de lutter contre le changement climatique, on s’attaque à d’énormes intérêts particuliers, et vous connaissez lesquels. On parle de Wall Street, on parle de l’industrie de la santé, de l’industrie des combustibles fossiles, des sociétés pharmaceutiques, du complexe militaro-industriel, de l’industrie des prisons privées. Ceux-là sont des gens tout-puissants, ils disposent de sommes d’argent illimitées, d’une énorme influence politique à Washington. Et le seul moyen que je connais pour les vaincre est quand des millions de gens d’un mouvement populaire se lèvent et résistent, et demandent un gouvernement et une économie qui travaillent pour tous et pas pour le 1 %. Permettez-moi donc de remercier le million de gens qui ont déjà signé et de demander à ceux qui n’ont pas signé de le faire. Celle-ci va être une campagne historique, nous allons entrer dans l’histoire. » [5] (...)

Depuis que nous avons écrit ces lignes début mars, on a assisté à une accélération de l’histoire et à une clarification des intentions des uns et des autres : Trump a multiplié les « avertissements » et les déclarations bellicistes contre ses adversaires, l’établissement démocrate a en a fait de même contre ses opposants socialistes, et Bernie Sanders a opté pour la contre-attaque, ce qu’il avait évité de faire en 2016. Manifestement, la crise nord-américaine s’exacerbe de jour en jour et entre dans une nouvelle phase, d’autant plus que tous ses protagonistes ne se limitent plus à échanger des accusations, mais commencent à traduire leurs paroles en actes, se préparant ouvertement pour la confrontation finale.

C’est donc maintenant, quand Trump muscle son discours, ne cachant plus ni ses ambitions dictatoriales ni son envie d’écraser physiquement ses adversaires au cas où ses derniers oseraient l’éloigner de la Maison Blanche, que l’établissement démocrate choisit de passer à l’attaque non pas contre Trump, qu’il refuse obstinément de mettre en accusation (impeach), mais contre... Bernie Sanders ! La raison de ce changement spectaculaire des priorités des barons du parti démocrate, de leurs mentors milliardaires et des grands médias qui les soutiennent, crève les yeux : Bernie Sanders creuse désormais son avance, déjà très importante, sur les autres candidats démocrates, et rien ni personne ne semble en mesure de l’empêcher d’obtenir la nomination démocrate et d’affronter directement Trump à la présidentielle de 2020. Et pour compléter le tableau, jour après jour, il devient de plus en plus clair et manifeste qu’entre Trump et Sanders, tout ce beau monde dit « libéral » opte sans hésiter pour Trump et contre Sanders ! (...)
cette menace – de plus en plus pressante – de la guerre civile qui change tout et jette une nouvelle lumière sur les actions des uns et des autres. Alors, « ce n’est pas un hasard si c’est Bernie Sanders qui non seulement comprend mieux que tout autre la menace directe que représente Trump pour les droits et les libertés démocratiques de ses compatriotes, mais qui en tire aussi les conclusions nécessaires en prenant des mesures concrètes pour y faire face. Et la création de ce que lui-même appelle « le plus grand mouvement populaire de l’histoire des États-Unis » est la première et la plus importante de ces mesures, puisque seul un énorme et très radical mouvement populaire aura de sérieuses chances de battre les bandes armées d’extrême droite de Trump, tant celles « légales » (les divers corps de police) que celles « non légales » (les milices fascistoïdes de toute espèce et du Ku Klux Klan). Le fait que la formation de cet énorme mouvement populaire soit déjà en cours et que l’adhésion des citoyens, et spécialement des jeunes, soit massive et enthousiaste (plus de 1,1 million de volontaires en 6 jours !) fait que l’établissement – républicain mais aussi démocrate – pète les plombs et panique, tandis que les citoyens progressistes gagnent en confiance en eux-mêmes, s’organisent, développent leur conscience de classe et affrontent l’avenir avec optimisme ». [11]

Voici donc comment se présente actuellement ce drame américain en pleine évolution, qui promet de chambarder le monde. [12]
Car même si les gauches européennes ne semblent pas s’intéresser outre mesure aux événements nord-américains, ces mêmes événements intéressent énormément notre vieux continent et encore plus ses gauches…