
Si le concept de féminisme, trop souvent considéré comme une importation occidentale, suscite parfois la méfiance, il a toute sa raison d’être sur le continent, affirme la militante sud-africaine Susan Tolmay.
Comment définir le féminisme en Afrique ? Et comment expliquer que tant de femmes évitent ce mot ?
Dans le cadre d’une évaluation à mi-parcours, les bénéficiaires du projet Women’s Voice and Leadership [programme canadien lancé en 2017, qui entend répondre aux besoins des organisations locales de femmes dans les pays en développement], qui soutient financièrement les associations et mouvements de femmes en Afrique du Sud, ont dû décrire la nature de leur activité : association de défense des droits des femmes, association féministe, association de lutte pour l’égalité des genres, ou association de défense des droits humains. Sur les 28 structures subventionnées par le projet, seules quatre (soit 14 %) se sont définies comme “féministes”. La plupart (62 %) se décrivent comme des “associations de lutte pour l’égalité des sexes”.
“J’ai beaucoup de mal avec cette obstination à utiliser le terme ‘féministe’, confie l’une des responsables d’association. Chacun à sa propre interprétation du mot. Ce concept n’évoque rien à ma mère, à ma grand-mère, à ma tante, ni à la plupart des femmes que nous accompagnons. Il provoque parfois même de l’hostilité. Il vaudrait mieux utiliser des mots que tout le monde comprend.” (...)
En Afrique, notamment en Afrique du Sud, ce mot est très controversé, car il est souvent perçu comme un concept importé d’Occident, allant à l’encontre de la culture et des traditions africaines.
Les féministes traînent souvent une image de militantes radicales.
À la fin des années 1960, des manifestantes [d’Atlantic City, aux États-Unis] avaient brûlé des soutiens-gorge, et jeté des serpillières, des rouges à lèvres, des talons hauts et un soutien-gorge dans une “poubelle de la liberté” pour se délester symboliquement des objets qui contribuent à l’oppression de la femme. Cet événement est entré dans l’histoire.
Depuis, au lieu d’être saluées pour ce qu’elles accomplissent en faveur des droits des femmes, les féministes sont souvent dépeintes comme des femmes emplies de colère (et blanches, pour la plupart) (...)
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Le féminisme africain est un ensemble de courants féministes définis par des femmes africaines, qui prend spécifiquement en compte la condition et les besoins des femmes africaines résidant sur le continent africain. Le féminisme africain comporte plusieurs courants qui lui sont propres, comme le maternalisme, le femmisme (femalism), le féminisme de l’escargot ou encore le stiwanisme1. Parce que l’Afrique n’est pas un ensemble homogène, ces féminismes n’ont pas la prétention de refléter les expériences de toutes les femmes africaines, et chaque courant concerne un ensemble propre de ces femmes. Le féminisme africain est parfois aligné, parfois en dialogue, parfois en conflit avec d’autres courants comme le black feminism ou l’afroféminisme. (...)