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le Monde Diplomatique
Trois ans après le séisme Haïti dépecé par ses bienfaiteurs
Article mis en ligne le 20 novembre 2013

(...) Sept sur l’échelle de Richter : un séisme équivalent à plusieurs bombes atomiques qui auraient explosé sous terre. Le 12 janvier 2010, une maison sur trois a résisté. Si l’une a miraculeusement tenu, sans une vitre soufflée, sa voisine s’est trouvée réduite à néant : un gigantesque jeu de hasard et de massacre qui a fait deux cent trente mille morts, trois cent mille blessés et un million trois cent mille sans-abri. Sans compter les dégâts matériels : 7,8 milliards de dollars, 120 % du produit intérieur brut (PIB) de l’année 2009.

(...) Trois ans après, la reconstruction ne semble pas avoir débuté. Dans les rues, quelques hommes arborant des tee-shirts aux couleurs de différentes organisations non gouvernementales (ONG), pelle en main, ont remplacé les bulldozers et les pelleteuses, rapatriés depuis longtemps loin de l’île. A ce rythme, combien d’années faudra-t-il pour rebâtir ?

Les tentes sales, déchirées, collées les unes aux autres, où s’entassent encore trois cent soixante-dix mille personnes, s’étendent dans toute la capitale, alors que la plupart des ONG ont plié bagage. Dans des quartiers dévastés, sur des kilomètres, leurs taches bleues recouvrent les mornes. On perfore la toile au couteau pour y créer des fenêtres, et on y survit sous une chaleur assassine. Au soleil couchant, une femme se lave sur le bord de la route, tout près des voitures qui crachent leur fumée noire.

Les promesses des donateurs internationaux sont largement restées lettre morte. Fin septembre 2012, le bureau de l’envoyé spécial d’Haïti à l’Organisation des Nations unies (ONU) annonçait qu’à peine plus de la moitié des 5,37 milliards de dollars promis lors de la conférence de New York, en mars 2010, avaient été distribués. Les fonds étaient supposés arriver avant l’automne 2012, mais une partie des sommes restent gelées, faute d’institutions publiques solides et fiables. Confortablement anonyme, la « communauté internationale » s’est emparée du processus de reconstruction. Mais la diversité des acteurs et des intérêts entrave toute avancée. Et les projets s’orientent quasi exclusivement vers la promotion de l’assistance et de l’investissement étrangers, bref, du libre-échange. «  Haïti is open for business » (« Haïti est ouvert aux affaires »), résume le slogan que s’est choisi le nouveau président Michel Martelly, au pouvoir depuis mai 2011 (lire « Lueur d’espoir ? »). (...)

Une rivière de déchets, parcourue par des cochons noirs, se déverse dans les maisons de tôle ondulée, brûlantes, chaotiques. Dans ces conditions, le vibrion du choléra fait des ravages. Médecins sans frontières s’inquiète de la recrudescence des cas. Depuis son apparition, en octobre 2010, l’épidémie a fait plus de sept mille quatre cents morts et infecté six cent vingt mille personnes, dont plus d’une centaine à Cité Soleil. Elle touche surtout les plus pauvres. Le sentiment de révolte monte contre l’ONU, dont le régiment de Népalais, reconnu responsable de l’importation de la maladie, se refuse à admettre son tort. (...)