
Il n’y a plus rien à Debaltseve. Joint par téléphone, Maurice Nègre alerte sur l’urgence à agir pour les habitants de cette petite ville qui ont tout perdu et peinent à survivre sans eau, sans électricité ni chauffage par des températures négatives nuit et jour
"Il ne reste plus une seule fenêtre sur aucun bâtiment, souligne le médecin à plusieurs reprises pour décrire l’ampleur de la dévastation. La ville est très endommagée. Les immeubles sont éventrés. Vous avez une impression terrible lorsque vous rentrez là-dedans au milieu des tas de ferraille éclatés, des rues désertes… »
« On pense qu’il n’y a plus personne car personne ne peut survivre dans ces conditions de froid extrême sans un toit, mais, en fait, les gens se terrent dans les caves. Il faut leur apporter une assistance ! », dépeint-il.
Lors des derniers échangent de tirs nourris entre les soldats de l’armée ukrainienne et les pro russes, la semaine précédente, beaucoup pensaient que tous les civils avaient déjà fui la ville. La zone a été extrêmement disputée, prise, perdue, reprise par les forces en présence. Des cars entiers avaient été affrétés pour permettre aux habitants qui le souhaitaient de partir. Mais plusieurs milliers étaient en fait restés. (...)
"Il y a environ 5.000 personnes encore dans la ville sans qu’on sache bien s’ils vont rester ou partir d’ailleurs", explique Maurice Nègre.
Ceux qui n’ont pas fui sont ceux qui n’ont pas pu partir, sans doute les plus démunis. Ils ne sont pas restés par choix, c’est impossible lorsqu’on voit l’état terrible de la ville."
Des gens dont la moyenne d’âge tourne semble-t-il autour de 50 ans même s’il reste également quelques enfants sur place. (...)
Des conditions terribles de survie, dans le noir total, sans aucune activité réellement possible donc. "On entre dans ces abris avec une lampe de poche car il n’y a pas d’électricité à l’intérieur sauf rare exception lorsque cela veut bien marcher deux heures dans la journée. On entend des explosions ici ou là aux alentours de la ville mais la guerre est finie… Pourtant, certains ne sortent pas parce que leur maison est détruite et parce qu’il fait plus chaud dans ces caves qu’à l’extérieur de toutes façons. Mais lundi, par exemple, on a vu une personne dans un abri qui refusait de sortir parce qu’elle ne croit pas au cessez-le-feu. Cela fait tellement longtemps qu’on en parlait sans qu’il soit appliqué ! Même lorsqu’on lui assurait que cette fois c’est bon, que nous-mêmes nous nous déplaçons sans problème… elle ne voulait pas nous croire. Il y a des gens, comme elle, qui sont terrorisés et il faudra aussi traiter cet aspect de la situation, le soin psychologique. Certains sont tout à fait sidérés, hébétés… je ne sais comment dire." (...)
L’équipe de Médecins sans frontières se consacre en priorité à rétablir une structure de soin à Debaltseve. L’hôpital, dévasté, n’est plus en mesure d’accueillir qui que ce soit. "Il ne reste plus aucune fenêtre, seulement la structure du bâtiment et il fait plus froid à l’intérieur qu’à l’extérieur donc je vous laisse imaginer les températures !" raconte le médecin. "Les canalisations d’eau ont explosé, laissant à certains endroits des sortes de fontaines de glaces et il n’y a pas de chauffage, certains radiateurs sont éventrés. Les lits, enfin, ce qu’il en reste, sont moisis et le bloc opératoire est détruit."
La priorité est donc de remettre au plus vite des fenêtres, de l’eau et du chauffage pour installer à nouveau quelques lits et surtout pouvoir recevoir à nouveau des patients en consultation de jour. Car les besoins sont ceux de la vie quotidienne et non, comme il y a un peu plus d’une semaine, des besoins de médecine de guerre. Les blessés ont, eux, été évacués depuis longtemps vers des hôpitaux encore debout.
Reste une ville en miettes, visée par des tirs indiscriminés durant de longues semaines, à remettre debout. Certains quartiers n’ont pas encore été explorés en raison du danger encore très présent des obus non explosés, voire, de mines qui auraient été posées, selon certains. (...)