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Mediapart
Ukraine : aux États-Unis, des voix critiquent la ligne américaine
Article mis en ligne le 15 février 2022

Alors que les tensions sont à leur comble à la frontière entre Russie et Ukraine, certains à Washington, conservateurs ou démocrates, dénoncent à la fois les menaces de Vladimir Poutine et les erreurs commises par les États-Unis depuis la chute du bloc soviétique.

Dans la crise ukrainienne, les États-Unis accusent Moscou de mener une guerre de désinformation. Tout en lançant eux-même une guerre de l’information pour révéler les manœuvres du Kremlin destinées, selon Washington, à provoquer les conditions justifiant une invasion russe. Une manière, souligne le New York Times, de « battre le maître [Vladimir Poutine – ndlr] à son propre jeu ».

Dans ce contexte, certains se souviennent bien évidemment des manœuvres états-uniennes qui ont abouti à la guerre en Irak en 2003 – même si la situation est bien différente en raison de l’engagement de Joe Biden à ne pas envoyer de troupes en cas d’invasion de l’Ukraine par Moscou –, et des journalistes ont retenu la leçon en refusant de prendre pour argent comptant les affirmations de la Maison-Blanche ou du Pentagone. Comme Matt Lee, chargé des questions diplomatiques à l’agence Associated Press, qui a eu un échange tendu début février à ce sujet avec le porte-parole du Pentagone, Ned Price. (...)

Matt Lee a pressé ce dernier sur les preuves dont disposait Washington au sujet d’une vidéo de propagande montée par Moscou avec des faux morts et de vrais acteurs et actrices. Il a même accusé les autorités états-uniennes de s’engager « sur le terrain d’Alex Jones », l’animateur de radio d’extrême droite qui avait affirmé qu’une fusillade meurtrière en 2012 dans un lycée était une fausse information donnée par les autorités pour justifier le contrôle des armes à feu.

Puis il a ajouté : « Quelles preuves avez-vous pour soutenir l’idée qu’il y a un film de propagande en cours de réalisation ? » Il n’a pas obtenu de réponses satisfaisantes, le porte-parole s’est empêtré et le journaliste lui a rappelé le début du siècle : « Je me souviens des armes de destruction massive en Irak... » (...)

En réponse, le porte-parole du Pentagone a pitoyablement sous-entendu que Matt Lee appartenait au camp des pro-Russes en lançant : « Si vous doutez - si vous doutez de la crédibilité du gouvernement américain, du gouvernement britannique, d’autres gouvernements, et que vous voulez trouver du réconfort dans les informations que les Russes diffusent... » Ned Price a fini par s’excuser sur Twitter, expliquant avoir téléphoné au principal intéressé.

Alors que Washington souffre d’un problème de crédibilité sur ces questions en raison notamment du précédent irakien, un débat commence à émerger – malgré le tam-tam médiatique sur l’imminence de la guerre en Ukraine – sur les responsabilités des États-Unis dans la situation actuelle, comprenant également une interrogation sur le rôle de l’OTAN depuis la fin de la guerre froide. Il implique à la fois des personnalités de droite, des soutiens de l’ancien président Donald Trump partisans d’un certain isolationnisme, et de gauche, comme Bernie Sanders. (...)

Un article publié par le Wall Street Journal dimanche 13 février et signé par deux membres de think tanks conservateurs – dont un ancien stratège du département de la Défense sous Donald Trump – plaide dans le même sens. Elbridge Colby et Oriana Skylar Mastro estiment que « les États-Unis ne peuvent plus se permettre d’étendre leur armée à travers le monde ». « La raison est simple : une Chine de plus en plus agressive », écrivent-ils. Plutôt que de se laisser « distraire » par l’Ukraine, Washington devrait plutôt se concentrer sur Taïwan, un autre lieu de tensions géopolitiques.

Et les deux analystes renvoient les Européens à leurs responsabilités, car, jugent-ils, « c’est tout à fait à la portée de l’Europe, car la puissance économique combinée des États de l’OTAN éclipse celle de la Russie ». (...)

Certains rappellent aussi que des experts de la Russie ayant servi dans les administrations successives depuis la chute du mur de Berlin ont mis en garde contre tout hubris américaine et les conséquences d’une expansion de l’OTAN aux anciens pays du bloc soviétique. (...)

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Cette annonce est le premier signe d’un recul de Moscou dans la crise avec les Occidentaux qui dure depuis fin 2021. Des forces russes déployées depuis des semaines près de la frontière ukrainienne ont commencé à retourner dans leurs garnisons, a annoncé mardi 15 février le ministère de la Défense, alors que les Occidentaux craignaient une opération militaire imminente. La Russie avait massé depuis décembre plus de 100 000 soldats aux frontières de l’Ukraine, faisant craindre à Kiev une invasion imminente de ce pays. Suivez notre direct.

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