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le Monde Diplomatique
Un Américain bien tranquille
Pierre Conesa Ancien haut fonctionnaire au ministère de la défense.
Article mis en ligne le 9 octobre 2011
dernière modification le 6 octobre 2011

Vendre des centrales nucléaires après la catastrophe de Fukushima ? Si ce défi peut en effrayer certains, d’autres ont déjà accompli des prouesses au moins aussi remarquables. Ils ont en effet compris qu’un équipement ne vaut que s’il est fourni avec des solutions de sécurité.

Le discours commercial est habile : si les catastrophes causées par la nature ou par l’homme ont eu des conséquences disproportionnées, c’est parce que le risque majeur n’avait pas été anticipé. Or la méthode, les technologies et le savoir-faire existent, Good Harbor les connaît et maîtrise leur intégration dans un système cohérent. Devant un auditoire envoûté, notre homme venait de tirer les leçons définitives de la catastrophe de Fukushima en expliquant que, si les pompes avaient été situées quelques mètres plus haut, la centrale fonctionnerait toujours.

S’il n’accorde pas d’entretiens, il n’en a pas moins une capacité certaine à se donner le beau rôle. On dit qu’il fut ainsi le négociateur d’un contrat de vente aux Emirats arabes unis, signé en 1998, de soixante avions de combat F-16 Block 60, qui tétanisa l’industrie aéronautique française. (...)

Avec ses trente consultants sur le terrain, Good Harbor a eu un rôle essentiel dans le programme nucléaire émirati. Les Américains ont joué sur deux tableaux : la compétition industrielle, mais aussi les deux structures créées pour ce contrat, l’Emirates Nuclear Energy Corporation et la Federal Authority for Nuclear Regulation (instance de production des normes de sécurité, dans laquelle la France a également tenté de s’introduire), préparant ainsi indirectement la vente du futur système de défense antimissile indispensable à la protection des quatre centrales. Les Français surveillaient les concurrents nucléaires américains et se surveillaient mutuellement ; ce furent les Coréens et les sous-traitants américains qui tirèrent leur épingle du jeu.
(...)

Aujourd’hui, on ne vend plus de grosses infrastructures sur la qualité du produit, mais d’abord sur la sécurité. L’influence ne s’exerce plus par l’intermédiaire de conseillers militaires placés auprès des décideurs, mais par des « experts en sécurité globale » employés par des sociétés qui délivrent des avis indépendants parce que privés.
(...)

A la différence du héros du roman de Graham Greene (3), notre héros ne commet pas d’attentats : il expose le risque et la terreur pour faire prospérer ses affaires. Le renseignement américain n’a pu empêcher les attentats du 11-Septembre ni retrouver M. Ben Laden, il n’en parvient pas moins à imposer dans le monde entier ses « experts internationalement reconnus ».
(...) Wikio