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la paix maintenant
Un “assassinat ciblé” du droit international
par Michael Sfard Traduction Tal Aronzon pour LPM
Article mis en ligne le 9 août 2014

Nous, Israéliens, pouvons soit accuser l’antisémitisme universel d’être responsable des allégations de crimes de guerre [lancées à notre encontre] ; soit porter un regard critique sur la façon dont nous avons géré les conflits armés avec nos ennemis durant la dernière décennie.

Depuis la deuxième guerre du Liban, en 2006, Tsahal a adopté une doctrine extrêmement problématique en matière de combats dans des zones urbaines à population civile dense, laquelle voit l’ennemi comme une entité terroriste illégitime (le Hezbollah au Liban, et le Hamas à Gaza). Cette doctrine s’appuie sur une théorie du droit conçue par le département de droit international de l’armée, qui interprète les lois de la guerre d’une manière scandaleusement différente de l’interprétation universellement reconnue par les experts en ce domaine. Conséquence directe, des pertes civiles massives, et la destruction de quartiers civils.

Cette doctrine est formée de deux éléments, dont chacun constitue une déclaration de guerre à l’encontre des principes fondamentaux du droit des conflits armés. Le premier d’entre eux redéfinit ce qui fait qu’une cible est légitime, de telle sorte que cela comprend désormais non seulement les cibles militaires classiques (bases, combattants, arsenaux et ainsi de suite), mais encore des services et des objets dont le lien avec l’ennemi est par nature non-militaire. Sous l’impulsion de cette définition novatrice, la banque de cibles de Tsahal a grossi jusqu’à inclure des “symboles du pouvoir du Hamas” (administrations, policiers, le Parlement), qui furent visés lors de l’opération Plomb durci, début 2009 ; et les domiciles de dirigeants et d’exécutants du Hamas, visés durant l’actuelle opération Bordure protectrice. Des dizaines, des centaines peut-être de civils ont été tués au cours d’attaques contre ces structures.

Le second élément va plus loin encore : il soutient qu’en combattant dans des zones urbaines, nous sommes fondés à traiter l’ensemble de la zone comme une cible légitime et à la bombarder au moyen de frappes aériennes ou de tirs d’artillerie – pour autant que nous commencions par prévenir tous les habitants de nos intentions et leur donnions le temps de partir. Tsahal a d’abord utilisé cette méthode dans le quartier Dahiya de Beyrouth, pendant la deuxième guerre du Liban. Avant de lâcher ses bombes, l’armée jetait des tracts disant aux habitants de partir. Puis les bombes étaient lancées, et la plupart des maison de Dahiya détruites. (...)

Le terrifiant résultat de cette doctrine, dans le double cas de Plomb durci et de Bordure protectrice, fut l’entassement de corps de femmes, d’enfants et d’hommes qui n’étaient nullement engagés dans les combats. Lors de Bordure protectrice, Tsahal même, par la voix de ses portes-parole, soutint que le Hamas empêchait, tant par la force que par les menaces, la population de fuir les zones vouées à être bombardées. Ce qui ne fit cependant pas tourner court les bombardements.

Les juristes de Tsahal, qui pourvoient à l’appareil légal de cette doctrine de guerre, procèdent à un “assassinat ciblé” des principes qui guident le droit international : principe du distinguo, qui exige de distinguer entre les cibles militaires (légitimes) et les cibles civiles (illégitimes) ; principe de proportionnalité, qui interdit d’attaquer même une cible légitime si les dommages civils anticipés sont excessifs en comparaison des bénéfices militaires liés à la destruction de la cible ; devoir de prendre des précautions effectives et non purement symboliques. (...)