
Assa Traoré l’avait dit à la barre de la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris, le 7 mai dernier : « Ce texte, je l’assume. » Elle le peut d’autant plus que la justice le lui permet, en la relaxant ce jeudi 1er juillet, en considérant que cet écrit n’avait rien de diffamatoire.
Une lettre qu’elle avait publiée sur Facebook en juillet 2019, trois ans après la mort d’Adama Traoré sur le sol de la gendarmerie de Persan, où elle faisait la liste de tous ceux qui avaient entravé la justice sur le chemin de la vérité. Les gendarmes, qui n’avaient pas apprécié de voir leurs noms cités, avaient déposé plainte pour diffamation contre la jeune femme de 36 ans, mère de trois enfants.
Le tribunal a estimé lui, que le sujet traité par « les propos litigieux » est « d’intérêt général », puisqu’il touche « à la question du fonctionnement des institutions et des services publics ». L’objet de la tribune, construite sur le modèle du texte d’Emile Zola, « dans son ensemble et au-delà même des accusations portées contre les gendarmes, étant de critiquer les méthodes policières et d’assistance aux personnes puis le déroulement de la procédure judiciaire destinée à faire la lumière sur les circonstances du décès d’Adama Traoré », expliquent les juges dans leur motivation.
« Une dimension dépassant le cas particulier »
Les magistrats ont rappelé aussi que le combat d’Assa Traoré n’est pas seulement celui d’une famille, mais qu’il embrasse bien une cause :
"« Il convient de préciser à cet égard qu’au moment où Assa Traoré publie son texte, en juillet 2019, à la date anniversaire de la mort de son frère, qui correspond aussi à la date de sa naissance, cette affaire avait déjà pris une dimension dépassant le cas particulier, au vu de son retentissement national et international. »"
Comme il l’a expliqué à la barre lors de l’audience, l’affaire Adama Traoré représente, pour le militant Youcef Brakni, professeur d’histoire et de géographie, « un cas d’école » qui illustre parfaitement « la criminalisation des victimes issues de la population noire et arabe quand elles sont tuées par la police ».
La décision de relaxer Assa Traoré s’appuie aussi sur la nécessité de réagir, de préserver la démocratie (...)
« Perte de confiance dans les institutions »
Les juges citent le témoignage d’Anne-Charlotte Arnoult, amie d’Assa Traoré, éducatrice spécialisée, et membre du comité Justice pour Adama, venue par exemple « montrer comme le cas particulier du décès d’Adama Traoré illustre cette perte de confiance dans les institutions, même par des personnes qui œuvrent au quotidien, par leur métier, auprès des jeunes afin de permettre leur insertion dans la société. D’une affaire singulière se dégage ainsi un débat qui intéresse tous les citoyens quant aux délais de procédure, à la place donnée aux familles des victimes dans le processus judiciaire, à l’existence ou non de traitements discriminatoires de la part des institutions et plus généralement aux relations entre la police, la Justice et les citoyens ». (...)
Les juges qui précisent ne pas porter « un quelconque avis sur le traitement policier et judiciaire de l’affaire concernant Adama Traoré », ont considéré qu’il est « incontestable que s’expriment, à travers cette affaire, un ensemble de préoccupations sociales et sociétales d’une réelle importance dans la France d’aujourd’hui, susceptible d’alimenter un débat d’intérêt général majeur ». Enfin.