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Attac33 Le Ptitgrain n°451
Un haut-lieu de communication politique
jean-Luc Gasnier
Article mis en ligne le 6 mars 2018

Chaque année, le salon de l’agriculture attire les foules. Les visiteurs, parisiens et provinciaux, viennent y faire un tour de France en une demi-journée et sans doute se rassurer : derrière les tranches de jambon rose sous cellophane, il y a bien encore de bons gros animaux d’élevage qui paraissent comestibles. Les paysans sont là aussi, quelquefois même en costumes traditionnels. L’agriculture française existe toujours, elle est capable de fournir de bons produits et elle s’affiche avec bonhommie et sérieux. Cet ersatz de campagne remplit bien sa mission : redonner confiance ; ça fleure bon le terroir et la bonne bouffe !

Les hommes politiques sont là aussi, Dans une ambiance de foire, un peu carnavalesque, il arrive qu’ils soient bousculés, sifflés, interpellés, pris à partie, mais les services de sécurité veillent à ce que cela ne tourne pas à la foire d’empoigne. . .

Depuis le « Casse-toi, pauv’con ! » d’un malheureux président, cela fait presque partie du jeu, ils s’y prêtent avec plus ou moins de bonheur. Et en parcourant les allées, ils goûtent, ils apprécient, ils font la promotion de produits qui sont toujours régionaux et traditionnels ; ils bavardent, plaisantent aimablement, il y a du vin, du fromage, et du saucisson. . . Et, bien sûr, ils communiquent devant des journalistes qui sont là aussi.

Le salon de l’agriculture est un haut-lieu de communication politique.

Et Emmanuel Macron, on le sait, est très fort en communication. Cette année, notre nouveau Président, pour sa première visite, a battu tous les records :
• le record de la durée de visite : une journée entière, de l’ouverture à la fermeture. Bravo, mais les Français sont-ils assez stupides pour penser que l’intérêt d’un président pour le secteur agricole se mesure à l’aune de sa durée de visite au salon ?
• le record du cynisme et de la manipulation : en osant affirmer à l’issue d’une réunion avec les agriculteurs consacrée notamment à la négociation d’un traité de libre-échange entre les pays du Mercosur et l’UE qu’ « il n’y aura aucune réduction de nos standards de qualité, sociaux, environnementaux, ou sanitaires à travers cette négociation »

Emmanuel Macron reproduit des éléments de langage déjà bien rodés avec le CETA qu’il s’apprête à faire ratifier par le Parlement. Pour le CETA, une commission d’experts - pourtant nommée par le pouvoir – avait mis en évidence la dangerosité d’un tel accord pour l’agriculture et tout particulièrement pour l’élevage. Dans leur négociation avec l’UE, les pays du Mercosur veulent élargir leur marché pour le bœuf, la volaille, le sucre et l’éthanol (biocarburant produit à partir de la canne à sucre) et obtenir notamment un quota d’exportation annuel vers les pays de l’UE de plus de 100.000 tonnes de viande bovine libres de droits de douane et produites à très bas coûts dans des conditions interdites par notre règlementation actuelle. Emmanuel Macron avalise donc une concurrence et des facteurs de risque accrus pour les agriculteurs, mais également pour les consommateurs. Et, comme à son habitude, il se montre pressé : l’accord ne pouvant être que bénéfique, il serait « pertinent d’essayer de le finaliser rapidement dans le contexte géopolitique actuel ».

Tout comme François Hollande qui voulait aussi une ratification rapide du TAFTA ( abandonné après l’élection de Donald Trump), Emmanuel Macron démontre que sa politique est au service exclusif des grands groupes et des lobbies malgré une communication lénifiante.

Le CETA, le Mercosur, et tous les traités de libre-échange qui se multiplient en substitution aux accords globaux de l’OMC, favorisent une agriculture intensive qui ne nourrit pas les paysans et les populations locales mais alimente en matières premières des exploitants intégrés ou des usines de l’agro-industrie. Les industriels font leur marché aux quatre coins de la planète qui est leur champ d’exploration. Le panier de la ménagère se remplit, sans qu’elle en ait vraiment conscience, de produits alimentaires fabriqués à partir de multiples composants dont la provenance n’apparaît pas sur l’étiquette (sans parler des conditions de production) et qui ont été sélectionnés avant tout en raison de leurs coûts. Et comment ne Le capitalisme financier transforme le paysan en fournisseur de minerai, végétal ou animal, pour l’agroalimentaire.

En encourageant et en avalisant ces traités de libre-échange, Emmanuel Macron révèle l’hypocrisie et l’incohérence de sa politique écologique et sociale.
Comment peut-on prétendre vouloir lutter contre le réchauffement climatique et encourager l’extraction du pétrole issus des sables bitumineux du Canada par le biais de la signature du CETA ?

A quoi bon vouloir interdire le glyphosate en France si, en signant un traité avec les pays d’Amérique latine, on favorise une agriculture d’exportation issues de semences OGM, destructrice de forêts tropicales et très grosse consommatrice de Round-up ? Une molécule de glyphosate importée est-elle différente de celle utilisée en Europe ?
Et comment ne pas considérer que le souhait du Président de « bien contrôler aux frontières la traçabilité et les normes environnementales et sociales » est un vœu pieu irréalisable ?

Au salon de l’agriculture comme ailleurs, la communication de notre Président est une rhétorique du mensonge et de la manipulation.