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Jean-Marie Harribey pour Alternatives Economiques
Un revenu minimum décent
Article mis en ligne le 20 décembre 2016
dernière modification le 2 décembre 2016

La Fondation Terra Nova a présenté le 30 novembre 2016 un rapport « Pour un minimum décent, Contribution à la réforme des minima sociaux », qui vise à fusionner la dizaine de minima sociaux actuels et les remplacer par un revenu minimum décent.

Le rapport commence par rappeler brièvement l’histoire de la mise en place progressive de ces minima en France, dont la légitimité n’a pas disparu, mais dont la complexité, le manque de lisibilité et l’importance du non-recours appellent une réforme de grande ampleur, sinon le risque de montée de l’hostilité de l’opinion publique à l’égard de l’aide aux plus pauvres grandirait. Le rapport propose ensuite un montant de ce minimum décent et une méthode pour son application.

Disons-le sans retenue : Terra Nova nous avait pas habitués jusqu’ici à des propositions plus proches du social-libéralisme que du progressisme ; ici, on peut voir une vraie recherche pour une réforme qui, sans plonger dans la radicalité, représenterait néanmoins un pas en avant. L’enjeu est d’autant plus important que le rapport rejette sans hésitation la proposition de revenu d’existence, qualifiée de « trompeuse simplicité ».

Un montant décent

Terra Nova admet que, jusqu’ici, la logique économique l’a emporté sur l’aspect social, puisque s’est imposée « l’idée que pour ne pas être désincitatif à l’emploi, le minimum social ne doit pas être trop proche du SMIC. Qui ne doit pas être de son côté trop élevé pour ne pas grever la compétitivité des entreprises. » (p. 12, note 14).

Terra Nova propose un minimum décent de 750 euros nets par mois versé automatiquement à toute personne seule de plus de 18 ans, soit 9000 euros par an. La seule condition émise est de résider sur le territoire national depuis au moins 4 ans.

Le rapport fonde ce montant sur le concept de « décence » emprunté à George Orwel, qui « renvoie, ici, non pas à une doctrine ou une spiritualité particulières, mais au bon sens moral élémentaire de tout un chacun » (p. 11).

Première innovation par rapport aux minima actuels : les jeunes de 18 à 25 ans percevraient ce minimum décent, avec deux options possibles, soit s’ils habitent ou non chez leurs parents dont les allocations familiales seraient supprimées, soit seulement s’ils n’habitent plus chez eux.

Une méthode

Le minimum décent serait versé en fonction des ressources jusqu’à hauteur de 750 euros. Au-delà de ce montant, la dégressivité des prestations serait assurée par la prime d’activité. Le premier problème à trancher concerne l’individualisation, la conjugalisation ou la familialisation du versement de ce minimum décent. Chacune de ces options obéit à des philosophies différentes. La première fait le choix de l’émancipation individuelle, quels que soient les revenus des autres personnes vivant avec le bénéficiaire de la prestation. Les autres formules s’appliquent en prenant en compte les revenus de toutes les personnes composant un ménage, ce qui implique d’introduire des échelles d’équivalence comme celle-ci : le premier membre adulte compte pour 1, les autres à partir de 14 ans pour 0,5, et les enfants de moins de 14 ans pour 0,3.

Le choix de Terra Nova ne manquera pas de susciter le débat, mais la Fondation opte pour un système mixte, suivant en cela le rapport Sirugue, de « semi-individualisation » (...)

Actuellement, les minima sociaux coûtent 24 milliards d’euros par an. Terra Nova teste plusieurs hypothèses pour chiffrer l’impact budgétaire du minimum décent. L’évaluation se situe dans une fourchette allant de 20 à 54 milliards.

Enfin, l’État doit, selon Terra Nova, recentraliser la gestion de la distribution du minimum décent, en laissant aux départements le soin d’accompagner l’insertion des bénéficiaires.

Un choix politique

Au-delà des paramètres techniques, il paraît important de souligner les choix sous-jacents à la proposition de minimum décent. À ce stade, notons deux aspects positifs, un point à clarifier et un regret.

Le premier aspect positif est d’écarter la proposition de revenu universel qui ne répond pas à l’impératif de supprimer la pauvreté, qui n’assure pas une meilleure redistribution des revenus qu’actuellement, dont les montants sont irréalistes et qui fait l’impasse sur le rôle du travail comme facteur d’insertion dans la société.

C’est le second point positif du rapport de Terra Nova : il est réaffirmé sans ambiguïté la place du travail dans la société, en s’écartant des thèses de la fin du travail ou de la fin du travail salarié.

Le rapport n’est pas très clair au sujet des allocations familiales. Il est dit (p. 19-20) que « les prestations familiales seraient exclusivement, mais totalement, en charge de la compensation du coût de l’enfant, comprenant une partie forfaitaire et une partie redistributive ». Aucune précision n’est donnée sur le montant de ce forfait et sur celui de la part redistributive.

S’il est fait allusion à la nécessité d’une réforme fiscale, le rapport ne dit mot des politiques économiques qui devraient encadrer ce nouveau dispositif. En effet, il ne servirait à rien de prôner la réhabilitation du travail comme élément essentiel de l’insertion sociale si de vrais emplois n’étaient pas offerts. (...)