Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
observatoire des inégalités
Un siècle d’inégalités de revenus : les super-riches regagnent le terrain perdu
Article mis en ligne le 13 octobre 2018
dernière modification le 10 octobre 2018

La part des revenus perçue par les 1 % les plus riches a nettement baissé depuis les années 1920 jusqu’aux Trente Glorieuses. Depuis 1975, ils ont rattrapé une bonne part de ce qu’ils avaient perdu.

() Inflation et guerres mondiales : la fin des rentiers ?

Dès les années 1920, la part des 1 % les plus riches s’effondre en Allemagne et en Suède. Les pertes dues à la Première Guerre mondiale, l’hyperinflation et la crise économique réduisent fortement la valeur des patrimoines et les revenus qui en découlent. En France, aux États-Unis, en Grande-Bretagne, la crise de 1929, suivie de la Seconde Guerre mondiale, ont le même effet.
Dans les pays riches, la période 1916-1950 est marquée par une très forte baisse de la part des revenus des plus riches rapportée à l’ensemble des revenus. En France, celle perçue par le centième le plus riche a été divisée par deux, passant de 22,8 % en 1916 à 10,3 % en 1950. L’Allemagne, le Royaume-Uni et les États-Unis ont connu une diminution comparable. Le mouvement a été encore plus radical en Suède (de 28,1 % en 1916 à 7,7 % en 1950). Cette forte réduction des inégalités n’est pas liée à un resserrement de la hiérarchie des salaires de l’ensemble de la population, mais bien aux chocs subis par les fortunes des plus riches. Ceux que l’on appelle les « rentiers », qui vivent des revenus du patrimoine, perdent du terrain. (...)

Trente Glorieuses : plus égalitaires

De la sortie de la Seconde Guerre mondiale à la fin des années 1970, la part des revenus dévolus aux très riches se stabilise ou poursuit sa baisse à un rythme plus modéré. Aux États-Unis, elle avoisine les 10 % en 1975, un niveau proche de l’Allemagne et de la France à cette même période. Même si les Trente Glorieuses profitent davantage aux 10 % les plus riches qu’aux 1 % du haut de la distribution, cette période est marquée par une diminution relative des inégalités de revenus, au bénéfice des classes moyennes et populaires. Le haut de la distribution des revenus est de plus en plus souvent occupé par les personnes aux très hauts salaires, et non plus seulement par celles vivant des revenus d’un capital accumulé. La mise en place d’une fiscalité progressive sur les revenus et les capitaux redistribue la richesse et limite la transmission des fortunes entre générations, de parents à enfants.

1975-2007 : hyper-riches, le retour

Dès les années 1970, la part des 1 % les plus riches dans le revenu global se remet à progresser dans les pays anglo-saxons (États-Unis, Royaume-Uni), où elle retrouve ses niveaux d’avant-guerre. En Allemagne et France, cette inversion de la tendance débute dans les années 1980. (...)

Crise financière et hauts revenus : divergence américaine

La crise financière de 2008 change la donne. L’effondrement du cours des actions, le repli des gains dans l’immobilier, suivis par une baisse des taux d’intérêt, stabilisent, voire font baisser, la part du 1 % le plus riche. Dans la décennie la plus récente, l’indicateur évolue en dents de scie. Les États-Unis suivent une trajectoire différente. L’effet de la crise financière sur la part des très hauts revenus y a été de courte durée : celle-ci remonte au-dessus de 20 % dès 2012, soit un niveau équivalent à celui du début du vingtième siècle.
Alors que les situations européenne et américaine étaient comparables dans les années 1970, les États-Unis rejoignent aujourd’hui les pays les plus inégalitaires au monde. (...)

Retour aux années 1950

Au bout du compte, les 1 % ont réussi à regagner – avant impôts – le terrain perdu dans les années 1960 et 1970. Aux États-Unis, en Allemagne et au Royaume-Uni, ils ont même effacé les conséquences de la Seconde Guerre mondiale. La désindustrialisation, la déréglementation du marché du travail, le chômage et la précarité notamment sont passés par là. Il faut s’interroger sur les facteurs économiques et politiques qui pourraient infléchir durablement ce phénomène que l’on enregistre depuis les années 1980.