
Le grand cirque du Mondial de foot a officiellement débuté jeudi soir à Sao Polo. Certes, il y a des sportifs sur le terrain mais il y a bien longtemps que le football professionnel n’est plus un sport mais un business qui met en scène des athlètes surentrainés et dopés pour offrir un spectacle mondialisé brassant des sommes colossales.
L’organisation par le Qatar, pays sans tradition sportive, de la Coupe du monde en 2022 est en quelque sorte le point ultime de la dérive mafieuse d’une organisation, la FIFA, qui pratique une politique de surenchère permanente pour le plus grand bénéfice des multinationales du BTP et de tous ses autres partenaires, commerciaux notamment.
Les investissements exigés pour l’organisation d’un Mondial sont de plus en plus importants et sans aucun lien avec les besoins à long terme des populations : le coût moyen d’un siège dans un stade pour cette coupe du monde au Brésil a augmenté de 60% par rapport à la dernière référence en Afrique du Sud.
Et tout ce business n’est pas très regardant sur la provenance des capitaux qui l’alimentent ; le football est une des plus grandes lessiveuses d’argent sale.
Les mécanismes qui permettent le blanchiment de capitaux d’origines diverses et douteuses, via notamment l’embauche et le transfert de joueurs, sont dénoncés et expliqués dans de nombreux rapports qui pointent également la corruption inhérente au milieu. Il y a d’ailleurs quelques paradoxes à voir la police militaire brésilienne faire la guerre aux trafiquants de drogue pour assainir les favelas et sécuriser l’arrivée des touristes-supporters au Brésil alors même qu’une partie des produits du trafic finit très certainement dans la poche des dirigeants, intermédiaires et joueurs locaux.
Pendant ce temps, le peuple, exclu des stades, continue à manquer de l’essentiel et, dans un pays marqué par des inégalités sociales phénoménales, les jeux ne calment pas obligatoirement la faim et le ressentiment. Les brésiliens commencent à trouver la note (10 milliards d’euros environ) un peu lourde. Au Brésil, la clameur ne monte plus uniquement des stades mais aussi des manifestations de rue, même si elles sont désormais contenues et réprimées durement par la police militaire. Et c’est bien cela l’évènement majeur de cette Coupe du monde : qu’au pays du foot-roi, l’évènement puisse être troublé par les grèves, les défilés et les cris de protestation de citoyens qui n’ont pas les mêmes priorités que la présidente Dilma Rousseff, sifflée et réduite au silence lors de la cérémonie d’ouverture. Les brésiliens ne sont pas « footballistiquement » correct à la différence de nos commentateurs sportifs et de nos grands médias qui vont, encore une fois cette année, après Sotchi, se focaliser sur les stades en ignorant soigneusement tout ce qui peut gâcher la « fête ». Pendant la compétition, les titres de l’actualité sont ceux des scores des matchs . . . avec un peu de consommation passive sur canapé de prestations gagnantes des bleus, les français oublieront peut-être les grèves de la SNCF et leur moral pourrait rebondir. Que les brésiliens aient l’outrecuidance de réclamer que leur argent serve à financer des hôpitaux et des écoles plutôt que des stades ne mérite guère d’attention.
Le Brésil, avec le concours de l’arbitre, a gagné son premier match contre la Croatie. Evidemment, le spectacle va fonctionner comme un euphorisant qui, en cas de victoire finale du Brésil, pourrait permettre d’oublier provisoirement les déconvenues et les frustrations. Mais, que de souffrances collectives pour un effet aussi éphémère ! Le Football de la FIFA est une drogue dure.