
Ce sont 144 pages qui indignent. Elles décrivent la politique migratoire mise en œuvre par la France à la frontière franco-italienne, de Menton à Chamonix : non respect des droits essentiels des personnes, violations de traités signés par la France, indifférence et mépris pour les mineurs isolés et les réfugiés qui ont besoin de soins, militarisation à outrance de la frontière, harcèlement des personnes solidaires... Telles sont les observations réalisées pendant deux ans par l’Anafé, l’association qui publie ce rapport sans concession.
Des allures de vaste « chasse à l’homme » : c’est ce à quoi ressemble la politique sécuritaire et migratoire mise en œuvre à la frontière franco-italienne. Une « chasse à l’homme » qui cible plusieurs dizaines de milliers de personnes chaque année, dont des enfants, à qui on refuse l’entrée sur le territoire au mépris de leurs droits les plus essentiels. Depuis 2016, l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé) collecte des témoignages, mène des enquêtes de terrain, observe, constate, échange et travaille avec des associations locales, de Menton à Chamonix, en passant par la vallée de la Roya, le col de Montgenèvre ou le tunnel de Fréjus. Le résultat est édifiant : un rapport de 144 pages, intitulé Persona non grata publié ce 21 février, qui documente l’ensemble des violations de droits perpétrées par l’État français à l’encontre des personnes migrantes qui tentent de traverser la frontière [1].
Emmenés au commissariat à 17h13, expulsés à 17h15 (...)
Rien que dans les Alpes-Maritimes, 44 433 refus d’entrée ont ainsi été prononcés, souvent de manière expéditive, en 2017 (une même personne peut être concernée par plusieurs refus d’entrée quand elle tente de repasser la frontière), et 7000 en Haute Maurienne, en Savoie ! (...)
Pas d’accès à un médecin, encore moins à un avocat (...)
Pas question pour ces personnes de pouvoir accéder à un médecin, qu’elles soient blessées, malades ou sur le point d’accoucher. Pas question non plus pour elles d’avoir accès à un conseil (assistance juridique, avocat…) ni de respecter le droit au jour franc, qui permet à une personne qui le demande de ne pas être refoulée avant 24 heures afin de pouvoir exercer les droits prévus par la loi. (...)
Quand il s’agit de migrants, les textes signés par la France ne semblent plus valoir grand-chose. (...)
Militarisation « impressionnante » de la frontière (...)
Cette militarisation, ces pratiques de « chasse à l’homme » permanentes, poussent aussi les personnes migrantes à prendre de plus en plus de risques pour traverser la montagne et tenter d’esquiver les patrouille, pour simplement être en mesure de faire valoir leurs droits bafoués.
Un jeune Guinéen mort d’hypothermie après avoir été refoulé (...)
Face à cette situation scandaleuse qui dure depuis trois ans, « l’Anafé ne peut que déplorer la difficulté à entrer en dialogue avec plusieurs autorités françaises tant au niveau local qu’au niveau national. Les droits fondamentaux, la fraternité et la solidarité ont été relégués au second plan, en violation des engagements internationaux, européens et nationaux. » Les seuls qui sauvent l’honneur d’une politique en perdition à la frontière franco-italienne sont les milliers de bénévoles, de militants associatifs qui font vivre « les valeurs d’humanité, de solidarité et de fraternité » en venant en aide aux victimes de cette « chasse à l’homme ». Mais elles aussi sont désormais la cible de harcèlements, de violences, et poursuivis pour « délit de solidarité ». Elles sont devenues des « militants politiques qu’il faut museler ».