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VIDEO. Lanceur d’alerte : « Quand on rencontre un autre lanceur d’alerte, on sait comment il a morflé, ce qu’il a pris dans la gueule »
*Mensonges d’Etat, par Philippe Pascot, sorti en octobre 2019 aux éditions Max Milo.
Article mis en ligne le 28 novembre 2019
dernière modification le 26 novembre 2019

Ancien homme politique devenu chasseur d’élus crapuleux, Philippe Pascot dénonce les dérives du système français et réclame plus de transparence

Héros pour certains, traîtres pour d’autres, les lanceurs d’alerte mettent au jour des dysfonctionnements ou des actes répréhensibles et en payent souvent le prix fort. Seuls face à une entreprise, à des lobbys, à des laboratoires pharmaceutiques et même parfois face à l’Etat, ils signalent une menace ou un préjudice au nom de l’intérêt général. 20 Minutes leur donne la parole. Cette semaine Philippe Pascot, ancien adjoint de Manuel Valls à la mairie d’Evry, nous raconte pourquoi il sillonne la France avec son chapeau et ses livres, dont son dernier Mensonges d’Etat*, pour dénoncer les dérives du système politique français. (...)

C’est après la parution de mon ouvrage Pilleurs d’Etat, [en 2015 aux éditions Max Milo], au sein duquel je recense les abus de centaines d’élus de la République, que mon combat a commencé à être médiatisé et pris au sérieux. Mon passage sur RMC en mars 2016, dans l’émission de Jean-Jacques Bourdin (à l’époque où il m’invitait encore) a fait le buzz. Les gens visés ont compris que je ne me tairais pas et ont étudié le moyen de me faire un procès, de me faire taire, mais ils n’ont pas trouvé, car tout ce que je relaye dans mes livres est sourcé et factuel. Je n’invente rien. Dans ce cas-là, difficile de me faire un procès. Le seul truc qui leur reste à faire, c’est de me faire avoir un accident de voiture, un jour. Vous savez, c’est le syndrome Coluche. Tant que vous êtes le fou du roi, vous amusez tout le monde. Moi, tant que j’étais le fou du roi avec Manuel Valls [il a été son maire adjoint à la mairie d’Evry], j’amusais la galerie. C’est-à-dire que je pouvais me permettre de dire et faire certaines choses que d’autres élus n’osaient pas. Mais dès que tu passes un certain statut, tu deviens quelqu’un de très gênant. Et là je commence à devenir très gênant, donc je fais attention. (...)

La vie de lanceur d’alerte commence souvent par une mise au placard. Personnellement, je me suis retrouvé dans un sarcophage. Un bureau sans fenêtre où il fallait passer deux portes blindées pour venir me voir. Mon téléphone portable ne passait plus. On m’a supprimé mon secrétariat, mon budget a été divisé par deux. Du jour au lendemain, des collègues que je connaissais depuis des années ne me disaient plus bonjour ou m’évitaient. Alors, il faut se blinder. Moi, j’ai la chance d’avoir une famille nombreuse. Et puis, contrairement à d’autres lanceurs d’alerte, que j’admire, j’ai la chance de pouvoir fermer une porte et d’en ouvrir une autre. Je suis capable de me sortir l’esprit, de ne pas ruminer les choses. Je ne suis pas coincé dans mon rôle de lanceur d’alerte, comme d’autres qui n’ont malheureusement que ça pour vivre, que ça pour respirer. Là, tu deviens vite fou ! Le plus important, c’est de durer. Et de se blinder. Tu ne peux pas aider les autres si tu commences à être angoissé. Tu deviens parano, tu deviens un tas de choses… même si quelque part, moi, je suis parano. Mais je suis un parano raisonnable. (...)

Aujourd’hui, en France, rien ne protège un lanceur d’alerte, sauf sa foi et son courage. Sauf sa certitude que ce qu’il fait est bon. De mon côté, pour faire passer mon message, je fais des conférences, dans toute la France. Je martèle, je crée le buzz. Il faut essayer de se servir du système pour le combattre. (...)

Après, j’essaye de ne pas tomber dans le piège du syndrome du justicier. Mais il est vrai que j’en rencontre certains qui me désespèrent. Ceux qui se prennent pour des lanceurs d’alerte parce qu’ils ont dénoncé un détournement de trombones à la préfecture… Parce que c’est une forme de vie d’être lanceur d’alerte. D’ailleurs, il y a une solidarité de souffrance. Quand on rencontre un autre lanceur d’alerte, on sait comment l’autre a morflé, ce qu’il a pris dans la gueule. On est passé par les mêmes épreuves. Ce n’est pas grand-chose parfois, ce sont des petits coups de fil. T’envoies un petit mot en disant « Je te soutiens ». Les lanceurs d’alerte, ce ne sont pas des gens d’argent, ce sont des gens de moralité. Donc qu’il suffit de montrer qu’on pense à eux avec un petit message en disant « Ca va, tu as le moral ? » C’est déjà beaucoup, parce que justement, tu ne l’as pas, le moral. Puisque nous sommes des Don Quichotte. On se bat contre des moulins à vent. Mais il le faut. Vous savez pourquoi ? Parce que se battre contre des moulins à vent, ça prouve qu’on a encore un peu d’espoir. »