
Dans leur immense majorité, les Français restent solidaires des plus pauvres et soutiennent les politiques sociales. La stigmatisation des ’assistés’, la ’fin de la compassion’ ou la ’pauvrophobie’ ne sont le fait que d’une minorité. Une analyse du Centre d’Observation de la société.
Que pensent les Français [1] de la pauvreté et des personnes pauvres ? Le plus souvent, les discours publics oscillent entre misérabilisme (en hiver surtout) et stigmatisation des « assistés », ces allocataires de minima sociaux ou d’allocations chômage qui profitent de la vie sans rien faire. Il existe pourtant des enquêtes d’opinion sérieuses, répétées d’année en année depuis plus de quinze ans qui permettent d’en savoir plus : le « Baromètre d’opinion », publié depuis 2000 par le ministère des Affaires sociales [2] et l’enquête « Conditions de vie et aspirations », réalisée par le Crédoc depuis 1979 [3]. Leur ancienneté permet de dépasser les effets du contexte médiatique. Elles font apparaître une population bien plus compréhensive envers les plus démunis qu’on ne l’avance souvent. Les Français n’ont en rien succombé à la « pauvrophobie », terme parfois employé pour décrire les manifestations d’hostilité envers les plus pauvres. (...)
Le ministère des Affaires sociales pose aussi une question dans un registre un peu différent : « Est-ce que la pauvreté est un sujet qui vous préoccupe personnellement ? ». L’enquête tente ici de mesurer le niveau d’inquiétude des individus. Massivement, les Français répondent « oui », à 90 % depuis 2000. Ils s’inquiètent du sort de leur prochain et l’idée que chacun puisse disposer de conditions de vie dignes est une valeur profonde. (...)
les Français sont loin d’être convertis aux discours de dénonciation de l’assistanat. Là aussi les réponses demeurent, au fond, relativement stables dans le temps si on prend un minimum de recul. (...)
La fatigue de la compassion – sorte de lassitude des Français face au système de redistribution – reste très minoritaire, mais elle a toujours existé. Sur une courte période, de trois ou quatre ans, les enquêtes traduisent le déplacement d’un dixième de point d’indécis si on les contraint à choisir un camp. Elles ne veulent tout simplement pas dire grand chose. L’erreur principale est de prendre une réponse sur le vif à un sondage pour une évolution de fond, de confondre l’opinion du moment et les valeurs. (...)