
Familles et professionnels estiment que le plan sur le vieillissement et la dépendance préparé par le gouvernement n’est pas à la hauteur de l’évolution démographique de la France. La préservation de la dignité des personnes âgées représente un défi quotidien pour les salariés — très présents dans le mouvement des « gilets jaunes » —, tandis que le coût de l’hébergement en maison de retraite devient inabordable pour beaucoup.
À des aides-soignantes qui, en février 2017, réclamaient des embauches dans leur établissement pour pouvoir s’occuper dignement des personnes âgées dont elles avaient la charge, M. François Fillon fit cette réponse : « Vous voulez que je fasse de la dette supplémentaire ? ». Le candidat à l’élection présidentielle du parti Les Républicains visitait l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) de Bry-sur-Marne, où des soignantes exposaient leurs difficiles conditions de travail : « On est deux la nuit pour quatre-vingt-quatre [résidents], et on fait des soins jusqu’à 3 heures du matin ! »
Après cet épisode, l’exaspération n’a fait que croître, tandis que plusieurs établissements ont été touchés par des grèves spontanées et isolées (...)
quinze minutes pour la toilette, l’habillement, le petit déjeuner et les médicaments d’un résident réveillé aux aurores ; à midi, une seule aide-soignante pour faire manger six personnes ; le soir, un coucher effectué en trois minutes quarante. « On ne les met pas au lit, on les jette », commente l’une des grévistes. Puis des équipes de télévision se succèdent sur place. La ministre de la santé, Mme Agnès Buzyn, est interpellée à l’Assemblée nationale. Ceux qui n’ont pas encore été confrontés à cette situation dans leur famille découvrent le traitement affligeant réservé aux personnes âgées dépendantes et aux salariés qui s’occupent d’elles.
Dans le même temps, une étude de l’Assurance-maladie révèle que l’on recense dans le secteur de l’aide et des services à la personne 94,6 accidents du travail pour 1 000 salariés, soit près du triple de la moyenne nationale (33,8 pour 1 000 en 2016). (...)
Lire aussi :
– Laver vingt « mamies » à l’heure ! Qui dit mieux ? (2011)
Normalement les aides-soignantes apprennent durant leur scolarité qu’il faut environ 20 minutes pour réaliser une toilette à une personne dépendante et plus de 40 minutes pour certaines autres pathologies. Or, lorsqu’elles se retrouvent à deux pour quarante personnes et que les toilettes doivent s’effectuer entre 9 heures et 11 heures elles adoptent un rythme de « vingt mamies à l’heure ».
Seule, l’aide-soignante aura 6 minutes par personne.
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Il faut donc faire appel aux Agents des Services Hospitaliers Qualifiés. Les ASHQ sont chargés d’entretenir les locaux. Réglementairement, ils ne sont pas autorisés à faire une toilette. Mais ils coûtent moins chers qu’une aide-soignante. Alors les directions n’hésitent pas à transgresser la Loi. (...)
– Ehpad : la détresse entre les murs (2018)
« La vérité est que les gouvernements successifs ont reculé devant le coût de la dépendance »
L’impact des manifestations n’est pas seulement proportionnel au nombre de participants. Celle qui s’est déroulée hier mardi devant le ministère de la Santé n’a réuni que des délégations limitées de l’ensemble des syndicats du secteur des Ehpad (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), mais la force poignante des témoignages recueillis dans leurs rangs sur la dégradation des conditions de vie des soignants et des résidents ne pouvait laisser personne indifférent. (...)
Rien n’était plus prévisible que la situation actuelle. Les projections démographiques sont précises. (...)
– Ehpad : une ex-infirmière nous a raconté sa détresse (2019)
Elle raconte son expérience dans un livre, J’ai rendu mon uniforme. Il suffit d’en lire un extrait pour saisir la détresse qu’elle a vécu : « Je sens que cette journée va mal tourner, car je suis seule infirmière pour 99 résidents. J’appréhende. Mais je ne dis rien. Nous sommes toutes dans le même bateau. »
Manque de personnel, mauvaise organisation, budgets limités… le travail en Ehpad est difficile pour le personnel soignant. Sous pression et à bout de force, nombreux sont ceux qui, comme Malthilde Basset, craquent. Et les conséquences se font sentir sur les résidents. Le manque de personnel est régulièrement considéré comme l’une des principales causes des cas de maltraitance au sein des Ehpad. (...)