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le Monde Diplomatique
Vous avez dit « baisser les charges » ?
Article mis en ligne le 16 août 2013
dernière modification le 11 août 2013

Patronat et gouvernement agissent comme si les cotisations sociales étaient un prélèvement indu qui handicape le développement économique. Or les cotisations constituent d’abord une part du salaire.

« Coût du travail » au lieu de « salaires » ; « charges » au lieu de « cotisations » : trente années de convergence politique entre la droite et la gauche de gouvernement ont banalisé ces expressions, la vision du monde qu’elles véhiculent, les conséquences sociales qu’elles induisent. Cette métamorphose du langage n’est pas anodine. Aussi sûrement qu’un coût appelle une réduction, la charge qui « pèse » (sur le travail), « écrase » (les chefs d’entreprise) et « étouffe » (la création) suggère l’allégement ou, mieux encore, l’exonération.

Ces associations verbales et mentales, élevées par les médias au rang d’évidences, ont accompagné l’accomplissement d’un dessein poursuivi par tous les gouvernements successifs : baisser les salaires au nom de l’emploi.

Car la cotisation — réduite pour favoriser l’embauche de travailleurs peu payés, de jeunes ou de chômeurs, supprimée pour les autoentrepreneurs ou pour les commerçants installés dans une zone franche urbaine, etc. — constitue aussi du salaire : elle figure à ce titre sur la fiche de paie. Elle aussi est prélevée directement sur la richesse produite dans l’entreprise ; mais, à la différence du salaire net, versé à la fin du mois sur le compte en banque de l’employé, elle est perçue par les caisses de sécurité sociale. Lesquelles financent les soins et les salaires des soignants, les pensions des retraités, les indemnités journalières des malades ainsi que les allocations familiales et les allocations- chômage. (...)

Mais voici qu’un nouvel argument justifie désormais l’érosion des rémunérations : la dette. En effet, le recours au crédit influe sur les salaires à trois titres. Tout d’abord, le financement des entreprises par le biais de l’émission d’actions et/ou par le recours à l’emprunt limite mécaniquement la part du chiffre d’affaires dévolue à la masse salariale (et à l’investissement), car il faut verser des dividendes aux actionnaires et/ou rembourser les intérêts du crédit. Ce gel des salaires au profit des actionnaires et des banquiers oblige dans un deuxième temps les ménages à recourir au crédit à la consommation pour subvenir à leurs besoins (un phénomène dont la crise des subprime a offert une illustration spectaculaire). Depuis 2007, enfin, l’endettement d’Etats ayant estimé nécessaire de renflouer leurs banques ou de financer l’économie — l’industrie automobile, par exemple — a justifié la mise en place de plans d’austérité qui pèsent essentiellement sur les salariés et la Sécurité sociale. (...)