
En 2016, la loi Création a mis en place un nouveau droit à l’utilisation de l’image des biens des domaines nationaux, comme le château de Chambord, le palais du Louvre ou celui de l’Élysée. Cette disposition permet à leurs gestionnaires de contrôler l’usage commercial de l’image de ces bâtiments emblématiques et de le soumettre à redevance. Considérant que cette mesure constitue une remise en cause des droits légitimes d’utilisation du patrimoine culturel, les associations Wikimédia France et La Quadrature du Net ont attaqué un des décrets d’application de cette loi et soulevé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Par une décision en date du 25 octobre 20171, le Conseil d’État a accepté de renvoyer l’affaire devant le Conseil constitutionnel, en considérant que la demande était bien fondée sur des moyens nouveaux et sérieux.
(...) les associations Wikimédia France et La Quadrature du Net ont obtenu du Conseil d’État de porter l’affaire devant le Conseil constitutionnel afin d’obtenir l’annulation de ces dispositions de la loi Création sur la base des arguments suivants :
La loi Création est contraire au droit d’accès non-discriminatoire à la culture et à ses corollaires, la liberté d’expression culturelle et le droit de diffusion de la culture ;
- En créant ex nihilo un nouveau droit restreignant l’utilisation de l’image des monuments des domaines nationaux, la loi a fait renaître une forme de droit patrimonial. Or les nombreuses lois sur le droit d’auteur, adoptées depuis la Révolution française, ont toujours prévu que les droits patrimoniaux devaient connaître un terme pour permettre aux œuvres d’entrer dans le domaine public. Il en résulte un principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR) que Wikimédia France et La Quadrature du Net demandent au Conseil constitutionnel de reconnaître ;
- En bloquant la possibilité pour les personnes prenant en photo ces monuments de les diffuser sous licence libre, la loi Création les empêche de faire usage de leur droit d’auteur, lequel est protégé par la Constitution au titre du droit de propriété. Par ailleurs, la loi remet en cause la validité des licences préalablement accordées en méconnaissance de la liberté contractuelle ;
- Les restrictions aux usages commerciaux introduites par la loi Création constituent une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre ;
- Enfin, la loi Création emploie des termes très vagues, laissant une marge de manœuvre considérable aux gestionnaires des domaines pour délivrer ou non des autorisations et fixer le montant des redevances. Ce faisant, le législateur a commis une « incompétence négative » en n’encadrant pas suffisamment le pouvoir de décision de l’administration. Cette lacune laisse la porte ouverte à un véritable arbitraire dans la détermination des usages légitimes du patrimoine.
Ces moyens soulevés dans la requête sont encore susceptibles d’évoluer ou d’être complétés devant le Conseil constitutionnel. Wikimédia France et La Quadrature du Net publient le mémoire présenté au Conseil d’État qui expose de manière détaillée ces arguments. (...)