
C’était une information comme il y en a des milliers dans les rubriques des faits divers. Un petit article du Hindustan Times, paru le 19 avril, qui signalait que, pour la deuxième fois dans la même semaine, on avait trouvé, dans la ville de Gurgaon, non loin de New Delhi, une petite fille tout juste née et déjà abandonnée. La première sous un arbre, la seconde dans une poubelle. Dans sa dernière phrase, l’auteur de l’article rappelait que, selon le recensement de 2011, le sex-ratio à Gurgaon était tellement déséquilibré qu’il naissait 853 filles pour 1 000 garçons.
(...) On a beau savoir, depuis de nombreuses années, que les avortements sélectifs sont monnaie courante en Inde, ce genre de chiffres est toujours un choc. Le phénomène est tel que les journaux indiens emploient fréquemment l’expression de "female fœticide" (fœticide féminin), qui est même devenue un mot-clé dans The Times of India. Pour me rafraîchir la mémoire, j’ai récupéré quelques autres études et données chiffrées. Le sex-ratio "normal" chez l’homme est d’environ 105 garçons pour 100 filles à la naissance et c’est, par exemple, ce que l’on constate en France. Il peut y avoir quelques fluctuations de quelques points autour de cette proportion, mais rien d’énorme. Il naît naturellement plus de garçons que de filles et, au fil du temps, les deux populations s’équilibrent (les hommes ont plus d’accidents et sont plus "fragiles" que les femmes), puis le rapport s’inverse, puisque ces dames vivent plus longtemps que ces messieurs. Ainsi, en France, pour 100 femmes de 65 ans et plus, il ne reste plus que 74 hommes dans la même tranche d’âge. Au total, sur la population générale, on compte 96 Français pour 100 Françaises.
Chez les deux géants asiatiques que sont l’Inde et la Chine, le sex-ratio à la naissance a depuis un bon moment quitté les rives de la normalité, avec respectivement 112 et 113 garçons pour 100 filles. La raison est à la fois culturelle, politique et technologique. (...)
certains pays d’Europe succombent aux préjugés anti-filles et pratiquent les avortements sélectifs y afférent. Le signal d’alarme a été tiré il y a quelques mois, en octobre 2011, par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, qui a adopté une résolution intitulée "La sélection prénatale en fonction du sexe". On y lit notamment qu’"au cours des dernières années, l’écart par rapport au sex-ratio naturel à la naissance a atteint des proportions inquiétantes dans plusieurs Etats membres du Conseil de l’Europe. C’est notamment le cas de l’Albanie, de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan - où le taux actuel est de 112 garçons pour 100 filles -, et de la Géorgie - où il est de 111 garçons pour 100 filles. (...) L’Assemblée souhaite attirer l’attention des Etats membres du Conseil de l’Europe sur les conséquences sociales de la sélection prénatale en fonction du sexe, notamment sur les déséquilibres démographiques susceptibles de créer des difficultés pour les hommes dans la recherche d’une épouse, de mener à des violations graves des droits de l’homme telles que la prostitution forcée et la traite à des fins de mariage ou d’exploitation sexuelle, et de contribuer à une montée de la criminalité et des troubles sociaux."
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