
Pour construire une énième zone d’activités économiques, un consortium public-privé veut raser une forêt d’Arlon, en Belgique. Des résistants occupent le terrain.
− Une Zad [1] en Belgique ?
− Ben quoi ? C’est pas la première. Il y en a une depuis plus de quatre ans contre la méga prison de Haren à Bruxelles, qui risque de détruire 18 hectares de terres arables [2]. Et pis il y en a une à Hambach, en Allemagne, et ailleurs. C’est pas réservé aux Français. Et c’est pas nouveau. Il y en avait en Alsace dans les années 1970 contre l’implantation d’entreprises chimiques et de centrales nucléaires [3].
Steve* est surpris de mon étonnement. Alors que le brasero « le plus puant » de la Zad de la Sablière d’Arlon crache sa fumée et parfume nos vêtements, je ne me laisse pas décontenancer et j’enchaîne.
− Bon, OK, c’est peut-être pas nouveau, mais une occupation de ce type ravitaillée tous les jours en Jupiler par les riverains, ça c’est nouveau ! (...)
Ils en ont marre de protester légalement dans le vent, d’interpeller les hommes politiques à la fin des conseils communaux où ils n’ont pas droit à la parole, de pétitionner. Depuis sa création dans les années 1960, l’intercommunale [4] Idelux bétonne tout ici. Les paysans et le reste de la population ont bien du mal à la freiner. Du coup, quand ils nous ont vus lancer cette Zad, ils étaient tous heureux. Tu peux pas savoir le nombre de gens qui passent ici avec le sourire. Enfin, ils ont de nouveau une prise sur la marche des choses. Enfin, ils retrouvent un peu prise sur les événements, eux qu’on a dépossédés des décisions et de leur territoire. »
Un gilet jaune au vent
La « marche des choses » se traduit ici par la volonté de détruire une belle forêt qui a poussé sur une ancienne sablière fermée en 1978, classée en zone de grand intérêt biologique par la Région wallonne, et où se sont installées des dizaines d’espèces rares ou protégées. (...)
« On a choisi l’occupation permanente du terrain. Et c’est étonnant de constater que depuis qu’on occupe le site, les bourgmestres [maires] et autres élus viennent nous voir pour nous parler. Même Idelux veut nous rencontrer. D’un coup, en s’opposant frontalement, en dehors de leurs règles, à leurs délires de croissance capitaliste qui détruit l’environnement aussi sûrement que 1 et 1 font 2, on est redevenus visibles », sourit Sylvie*, étudiante en biologie. Sylvie est occupée à creuser une tranchée. Au-dessus de sa tête flotte au vent un gilet jaune, au dos duquel il est écrit : « ZAD partout ». Oui, partout. Même en Belgique.