
La communauté scientifique n’arrive pas à déterminer avec certitude la nocivité des microplastiques pour la santé des humains et des animaux mais nous devrions faire preuve de prudence.
Alors que les déchets plastiques prolifèrent dans le monde entier, une question essentielle reste sans réponse : sont-ils nocifs pour la santé humaine et, si oui, quels dégâts causent-ils ?
Il y a quelques années, lorsque des microplastiques ont commencé à être découverts dans les appareils digestifs de poissons et de crustacés, l’inquiétude s’est portée sur le danger des produits de la mer pour la santé. Les mollusques et crustacés étaient particulièrement préoccupants car, contrairement aux poissons, ils se mangent en entier : estomac, microplastiques et tout le reste. En 2017, des scientifiques belges ont révélé que les amateurs de fruits de mer pouvaient consommer jusqu’à 11 000 particules de plastique par an en mangeant des moules.
À ce moment-là, les scientifiques savaient déjà que les plastiques se fragmentaient continuellement dans l’environnement, se réduisant au fil du temps en fibres encore plus petites que des cheveux humains. Des particules si petites qu’elles peuvent facilement être transportées dans l’air. Une équipe de l’université de Plymouth, au Royaume-Uni, a décidé de comparer la menace que représente la consommation de moules sauvages contaminées en Écosse à celle que représente la respiration de l’air dans un foyer ordinaire. Leur conclusion a été que, lors d’un repas à base de moules, davantage de plastique était absorbé par l’inhalation ou l’ingestion de minuscules fibres de plastique invisibles qui flottent dans l’air ambiant, fibres rejetées par leurs propres vêtements, tapis et tissus d’ameublement, qu’en mangeant les moules elles-mêmes. (...)
UNE NOCIVITÉ DIFFICILE À ÉVALUER
Les scientifiques étudient les microplastiques, définis comme des particules mesurant moins de 5 millimètres de diamètre, depuis près de vingt-cinq ans. Richard Thompson, scientifique marin à l’université de Plymouth, a inventé ce terme en 2004 après avoir découvert des tas de morceaux de plastique de la taille de grains de riz sur une plage en Angleterre. Dans les années qui ont suivi, des scientifiques ont repéré des microplastiques partout dans le monde, du fond de la fosse des Mariannes au sommet du mont Everest.
On trouve des microplastiques dans le sel, la bière, les fruits et légumes frais et même dans l’eau potable. Les particules en suspension dans l’air peuvent faire le tour du globe en quelques jours et tomber du ciel comme la pluie. (...)
« Lorsque j’ai commencé à faire ce travail en 2014, les seules études réalisées consistaient à chercher où ils se trouvaient », explique Alice Horton, scientifique marine du Centre national d’océanographie du Royaume-Uni, spécialisée dans la pollution microplastique. « Nous pouvons arrêter de chercher, désormais. Nous savons que, où que nous regardions, ils seront là. »
Mais il est bien plus difficile de déterminer s’ils sont ou non nocifs pour la santé. Les plastiques sont fabriqués à partir d’une combinaison complexe de produits chimiques, dont des additifs qui leur confèrent leur résistance et leur flexibilité. Et ils peuvent aussi être toxiques. L’analyse la plus récente a permis d’identifier plus de 10 000 produits chimiques utilisés dans les plastiques, dont plus de 2 400 sont potentiellement préoccupants, indique Scott Coffin, chercheur scientifique au California State Water Resource Control Board. D’après l’étude, beaucoup ne sont « pas réglementés correctement » dans de nombreux pays, et l’utilisation de 901 de ces produits chimiques dans les emballages alimentaires n’est pas systématiquement autorisée selon les réglementations. (...)
Il n’est pas facile de déterminer quelles sont les combinaisons de produits chimiques qui posent problème et de trouver dans un mélange aussi complexe quels sont le niveau et la durée d’exposition qui peuvent être nocifs. (...)
Selon Hardesty, le sujet est si complexe et si controversé que même la définition du terme « nocif » fait parfois l’objet de débats. Devrions-nous uniquement nous inquiéter des effets des microplastiques sur la santé humaine ? Qu’en est-il des dégâts qu’ils pourraient causer sur les animaux et les écosystèmes ?
LE PLASTIQUE ET LES ANIMAUX
La recherche des effets potentiellement nocifs des plastiques a commencé il y a une quarantaine d’années avec des études sur les animaux, lorsque des biologistes marins qui étudiaient le régime alimentaire des oiseaux de mer ont commencé à trouver du plastique dans leurs estomacs. (...)
Plus de 700 espèces sont affectées par le plastique. Selon les scientifiques, il est probable que des centaines de millions d’oiseaux sauvages aient consommé du plastique et que, d’ici 2050, toutes les espèces d’oiseaux de mer de la planète en mangeront. On estime déjà que certaines populations d’oiseaux sont menacées par une exposition généralisée aux perturbateurs endocriniens chimiques contenus dans les plastiques. Des études en laboratoire sur des poissons ont montré que les plastiques peuvent endommager le système reproducteur et exercer un stress sur le foie. (...)
bien que les toxines des plastiques puissent avoir des effets néfastes sur la santé des oiseaux, une étude australienne de 2019, dans laquelle des scientifiques ont délibérément nourri des poussins de cailles du Japon avec de telles toxines, a observé le contraire. Les poussins ont subi de légers retards de croissance et de maturation, mais n’étaient pas plus susceptibles que les individus non exposés aux toxines de tomber malades, de mourir ou de rencontrer des difficultés à se reproduire. Ces résultats ont surpris les scientifiques, qui les ont qualifiés de « première preuve expérimentale » que les effets toxicologiques et endocriniens « pourraient ne pas être aussi graves que nous le craignions pour les millions d’oiseaux » transportant de petites charges de plastique dans leur estomac.
Hardesty, co-autrice de l’étude, estime que celle-ci permet de rappeler qu’il n’est « pas si simple » d’évaluer la menace que représente l’exposition aux microplastiques. (...)
LE PLASTIQUE ET LES HUMAINS
Il est beaucoup plus difficile de mesurer les éventuels effets néfastes des plastiques sur les humains que sur les animaux. Contrairement aux cailles et aux poissons, on ne peut pas nourrir intentionnellement les sujets humains avec des plastiques. Des essais en laboratoire ont montré que les microplastiques sont nocives pour les cellules humaines, causant par exemple des réactions allergiques ou la mort de cellules. Mais jusqu’à présent, aucune étude épidémiologique n’a permis d’établir, sur un grand groupe de personnes, un lien entre l’exposition aux microplastiques et les effets sur la santé.
Au lieu de cela, les recherches ont porté sur de petits groupes de personnes, un facteur qui limite les conclusions que l’on peut tirer, en dehors du fait de détecter la présence de microplastiques dans différentes parties du corps. (...)