
La France, fort boisée, est particulièrement vulnérable aux feux de forêt, explique Charlotte Couture, de Météo-France. Si le pays se réchauffe de 4 °C, comme prévu, le risque d’incendies pourrait se « généraliser ».
Charlotte Couture est responsable « feux de végétation » à la direction régionale du Sud-Ouest chez Météo-France.
Reporterre — Incendies à Martigues aujourd’hui, à Brocéliande hier, à Marseille et à Narbonne il y a quelques jours… La saison des feux a commencé sur des chapeaux de roue en France. La situation est-elle particulièrement grave, en ce début d’été ?
Charlotte Couture — Le mois de juin a été très chaud et très sec sur l’ensemble de la France. Il s’agit du plus chaud jamais enregistré depuis 2003, et il n’a pas non plus beaucoup plu. Globalement, l’assèchement des sols est en avance par rapport aux années précédentes. C’est particulièrement vrai dans le sud-est de la France : il y a eu un gros manque de pluie, notamment dans les Bouches-du-Rhône. Cette région connaît tous les ans des feux d’ampleur. Mais cette année, ils ont commencé assez tôt, parce que la végétation était déjà en souffrance.
On retrouve également ce phénomène dans l’ouest de la France, dans une moindre mesure, grâce à un hiver et un printemps relativement arrosé. Il y a eu beaucoup de feux de culture, et on commence à voir des feux de forêt. 90 % des feux sont d’origine humaine. Mais des journées chaudes, sèches et avec du vent, comme celle d’hier, facilitent leur allumage et leur propagation. (...)
Dans les années 1970-1990, dans l’ouest de la France (à Brocéliande par exemple), on avait en moyenne un jour dans l’été où le risque feux était élevé. Le nombre de ces journées devrait augmenter : quatre en moyenne, maximum dix. C’est une moyenne : on pourra avoir des étés catastrophiques. (...)
Et qu’arriverait-il à la région méditerranéenne, d’ores et déjà exposée aux feux de forêt ?
La saison des feux va s’intensifier et s’allonger : elle pourrait commencer dès début juin, et durer jusqu’au début de l’automne. On en a eu un avant-goût cette année, dans les Pyrénées-Orientales. Ces zones n’ont pas été arrosées de l’hiver et du printemps. Il y a eu des petits feux — pas extrêmes, certes — tout au long de l’année, parce qu’il y avait du combustible disponible tout le temps.
La France est-elle particulièrement vulnérable, à l’échelle européenne et mondiale ?
La France est vulnérable parce que nous sommes le quatrième pays européen le plus boisé. Nous avons aussi beaucoup de plantations d’espèces comme le pin maritime. Certes, ce sont des espèces qui repoussent plus vite lorsqu’elles brûlent, et qui s’adaptent mieux à un climat plus chaud et moins pluvieux. La contrepartie, c’est qu’elles brûlent très bien. Plus on avance dans le temps, plus on plante des pins maritimes vers le nord de la France. (...)
Comment pouvons-nous mieux nous préparer à la généralisation du risque de feux de forêt ?
En ce qui concerne Météo-France, il nous faut faire davantage d’études, avoir les scénarios les plus précis possibles pour aider la sécurité civile à se préparer. Il faut aussi améliorer nos systèmes de prévision pour mieux informer la population et les acteurs publics. Étant donné que 90 % des feux sont d’origine humaine, la partie communication est extrêmement importante.
Il y a aussi des politiques publiques à mettre en place : des obligations de débroussailler dans les zones à risque, par exemple. Et, bien sûr, limiter nos émissions de gaz à effet de serre et le changement climatique.