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En pleine mer : que racontent les personnes exilées secourues au large de la Libye ?
#libye #exiles #migrants #immigration #naufrages #sauvetages
Article mis en ligne le 25 juillet 2025
dernière modification le 22 juillet 2025

Cette série d’articles est issue d’une année de recherche à bord de l’Ocean Viking, navire de sauvetage de l’ONG SOS Méditerranée. Elle a été publiée sur le site de The Conversation.

#1 - Paroles de personnes exilées secourues en mer

Les mots des personnes rescapées

« Nous étions prêts à sauter. Nous avions tellement peur que les Libyens arrivent ! »

Je lis ces mots d’un jeune homme syrien dans le tableau de données. Ils sont issus de l’étude que j’ai coordonnée de l’été 2023 à l’été 2024 à bord de l’Ocean Viking, le navire civil de recherche et sauvetage en mer de SOS Méditerranée.

Ces mots ne sont pas isolés. Parmi les 110 personnes rescapées qui se sont exprimées via l’enquête par questionnaire déployée à bord, près d’un tiers ont décrit une peur semblable à la vue d’un navire à l’horizon : non pas la peur du naufrage imminent ou de la noyade, mais celle d’être interceptées par les forces libyennes et renvoyées en Libye.

Ces mots résonnent avec ceux de Shakir [1], un Bangladais que j’ai connu sur l’OV (selon le surnom donné à l’Ocean Viking) :

« Tes ateliers nous ont rafraîchi l’esprit. Depuis la Libye et la mer, nous nous sentions perdus. Maintenant, nous comprenons le chemin parcouru. »

Sur le pont de l’OV et dans les containers servant d’abri jusqu’au débarquement en Italie, j’ai proposé des ateliers participatifs de cartographie sensible. Une soixantaine de personnes s’en sont emparées, en retraçant les étapes, les lieux et temporalités de leurs voyages par des cartes dessinées.

Si je développe des méthodes de recherche créatives et collaboratives pour encourager l’expression des savoirs qui se construisent en migration, je n’avais pas anticipé que ces gestes et tracés puissent aussi contribuer à « rafraîchir l’esprit », se réapproprier des repères ou valoriser « le chemin parcouru ». (...)

Ces mots résonnent enfin avec ceux que j’ai recueillis après un débarquement à Ancône. J’y ai rencontré Koné, un Ivoirien débarqué une semaine plus tôt par une autre ONG de sauvetage :

« Le pire n’est pas la mer, crois-moi, c’est le désert ! Quand tu pars sur l’eau, c’est la nuit et tu ne vois pas autour : c’est seulement quand le jour se lève que tu vois les vagues. Dans le désert, on te met à cinquante sur un pickup prévu pour dix : si tu tombes, tu restes là. Dans l’eau, tu meurs d’un coup, alors que dans le désert, tu meurs à petit feu. » (...)