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l’Humanité
Analyse « 81,5 % des actes islamophobes sont commis contre des femmes » : les femmes musulmanes à la croisée des oppressions
#femmes #musulmanes #islamophobie #feminisme
Article mis en ligne le 31 mars 2025
dernière modification le 29 mars 2025

L’association féministe et antiraciste Lallab publie un rapport fournissant analyses, réflexions et outils pour combler l’absence de ressources concernant les femmes musulmanes.

« Je suis une femme noire, musulmane, banlieusarde. Toutes ces choses vont entrer en ligne de compte quand je vais soit aller déposer plainte, soit réclamer justice », a raconté Mariam, victime d’inceste, dans les groupes de parole mis en place par l’association antiraciste et féministe Lallab. « Je me disais que ce secret, je l’emporterais dans ma tombe. (…) Je suis une femme noire, musulmane, pratiquante et c’est parfois plus compliqué de dénoncer », a révélé Asiya Bathily, violée à sept ans par un habitant du quartier, dans son documentaire les Mots pour vous le dire.

Depuis trois ans, l’association Lallab a lancé une campagne médiatique pour recueillir les témoignages des femmes musulmanes confrontées aux violences sexistes et sexuelles (VSS). Découvrant l’absence de ressources ou d’enquêtes les concernant spécifiquement, l’association publie ce jeudi 27 mars le rapport « Femmes musulmanes contre les violences sexistes et sexuelles en France » pour analyser et construire des outils pour les victimes et leurs alliées.
Cumul des oppressions

« Ces personnes sont situées à l’intersection de plusieurs oppressions : l’islamophobie, la négrophobie, le racisme, la queerphobie, explique Fatima Bent, membre de Lallab. On va les considérer comme des victimes, comme des objets à sauver du joug patriarcal de leur communauté, ou les envisager de manière infantilisante, estimant qu’elles ont un savoir limité sur ces questions-là. » Autant de freins à la libération de la parole, qui favorise l’impunité des agresseurs.

Pour contrer un regard colonial et patriarcal, l’association a créé un collectif dédié à l’action contre les VSS. À Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), l’équipe organise depuis trois ans un programme d’éducation populaire sur six mois. (...)

En discutant entre elles, les victimes ont identifié la partie immergée d’un iceberg, décrivant la culture de la violence contre les femmes musulmanes, s’ajoutant au continuum de violences sexistes et sexuelles communément admises (psychologiques, physiques, sexuelles, de cyberharcèlement).

Les femmes musulmanes souvent enjointes au silence

Fétichisation des corps noirs ou arabes, orientalisme, blagues islamophobes et histoire coloniale charrient des images, influencent des comportements, entraînent des mécanismes institutionnels. (...)

« 81,5 % des actes islamophobes sont commis contre des femmes1, précise Fatima Bent. Quand il y a une restriction de leur liberté et de leur droit par un contrôle des corps, ça devient une violence sexiste. Quand on leur refuse l’accès à l’emploi, c’est une violence économique. »

Prise de conscience et sensibilisation de l’opinion publique constitue une première étape pour Sarah Marrso, responsable du projet construction des savoirs chez Lallab : « Il est essentiel d’inscrire ces violences sexistes islamophobes dans les efforts nationaux de lutte contre les VSS. Le concept d’islamophobie genrée invisibilise la dimension sexiste de cette violence. Comme si les femmes musulmanes n’étaient pas aussi ciblées car elles sont des femmes. Il faut également faire rempart à l’instrumentalisation et à la cooptation des luttes et discours féministes par les courants politiques nationalistes et islamophobes. »

Au sein de la communauté, les femmes musulmanes sont souvent enjointes au silence, pour ne pas être accusée de faire le jeu du racisme, subissant des violences spirituelles et psychologiques quand elles prennent la parole. (...)

Identifier les multiples violences, les nommer, écouter la parole, savoir rediriger les victimes sans jouer les psychologues ou les avocates, s’engager localement, s’outiller collectivement : autant de points que relève ce rapport, qui espère être relayé voire enrichi par d’autres experts.

Lire aussi :
 (Lallab)
[Communiqué] Muslim Women’s Day – Lallab publie son rapport

Pour cette nouvelle édition du Muslim Women’s Day, la journée internationale des femmes musulmanes qui a lieu chaque année le 27 mars, l’association féministe et antiraciste Lallab publie le rapport « Femmes Musulmanes contre les Violences Sexistes et Sexuelles en France » (88 pages).

Les femmes musulmanes demeurent un des angles morts des enquêtes, ressources et outils existants sur les violences sexistes et sexuelles en France.

Il y a donc urgence à placer les récits des femmes musulmanes au cœur des politiques de lutte contre les violences sexistes et sexuelles.

Analyser la question des violences sexistes et sexuelles sans prendre en compte les biais des positionnements épistémologiques dominants, patriarcaux, racistes et islamophobes, contribue à renforcer le continuum des violences que subissent les femmes musulmanes.

Ce rapport s’attèle à déconstruire ce rapport aliénant aux savoirs, et explore les violences sexistes et sexuelles de manière holistique à travers des référentiels décoloniaux, féministes et religieux.

Il apporte des pistes de réflexions à ces différentes questions, décortique des termes et concepts clés, et propose des recommandations pour agir contre les violences.

Quels sont les facteurs, stéréotypes, comportements, mécanismes institutionnels qui créent un terreau fertile aux violences ? À quoi ressemble l’iceberg des VSS pour les femmes musulmanes en France ? Quels sont les obstacles qui nous empêchent de parler et qui nourrissent la loi du silence et de la honte ?

Quel est l’impact des VSS sur la communauté musulmane ? Comment pouvons-nous faire communauté, corps avec les victimes et survivantes et mettre fin aux VSS ?

Comment l’islamophobie genrée et son institutionnalisation en France constitue à elle seule un continuum de violences sexistes et sexuelles islamophobes ?

Que se passe-t-il lorsque la misogynoire rencontre l’islamophobie ? Comment se manifestent les violences sexistes et sexuelles contre les femmes musulmanes noires ?

Comment peut-on faire de nos enseignements religieux le levier et le moteur de nos luttes contre les violences sexistes, sexuelles et islamophobes ? Pourquoi lutter contre les VSS est un devoir religieux est une force pour notre communauté ?

Quelle est la place des enfants dans notre communauté et quelles sont les implications de notre responsabilité collective face aux VSS que subissent les enfants ?

Comment renverser la culture de la honte et créer des espaces, des mécanismes et des pratiques sociales qui permettent d’exposer les injustices ? Comment nous responsabiliser et nous solidariser avec les survivantes à toutes les échelles de la société ?

Le dossier se veut aussi et surtout un outil pour les victimes et survivantes, pour les accompagner dans le démantèlement des obstacles à leurs chemins de guérison et donner des pistes pour reconnaître les VSS, les démarches pour les signaler, les différentes manières de trouver de l’aide et de faire valoir leurs droits.

Ce rapport s’appuie sur une méthodologie de production de savoirs articulée par Lallab, ‘Savoir, Pouvoir, Agir et Prendre Soin’ (2025).
Quand l’islamophobie entrave la parole des femmes musulmanes

Lallab constate que les femmes musulmanes sont confrontées à une loi du silence généralisée lorsqu’elles osent parler. De la police aux services sociaux, en passant par certaines associations féministes, elles sont souvent renvoyées à leur foi, à des stéréotypes racistes, islamophobes ou encore à une prétendue incompatibilité entre leur engagement féministe et leur identité religieuse. Résultat : elles se retrouvent isolées, sans recours et privées des protections auxquelles elles ont droit.

Pour les femmes musulmanes, ces violences sont exacerbées par un système qui refuse de les voir, de les entendre et de les protéger.

Lallab met également en garde contre l’instrumentalisation des VSS à des fins islamophobes et sécuritaires. Trop souvent, les violences subies par les femmes musulmanes sont utilisées pour justifier des politiques liberticides qui visent davantage à contrôler leurs corps et leur présence dans l’espace public qu’à réellement les protéger. Cette récupération détourne l’attention des responsabilités systémiques et contribue à renforcer l’isolement et la précarité des survivantes.

contact presse : presse chez lallab.org

 consulter le rapport