
Après la mort, samedi, d’une jeune femme de 19 ans, abattue probablement "par erreur", en Haute-Corse, les deux collectifs antimafia de l’île appellent à une manifestation pour dénoncer la recrudescence des actes criminels dans cette région qui enregistre l’un des plus forts taux d’homicides en France.
"Il s’agit du troisième homicide commis en Corse depuis le début de l’année 2025, dans un contexte de violences entretenu par des groupes liés à la criminalité organisée", ont rappelé le préfet de la Corse du Sud, Jérôme Filippini, et son homologue de Haute-Corse, Michel Prosic, condamnant cet acte "avec la plus grande fermeté".
La victime, étudiante à l’université de Corte, est décédée "des suites de blessures par balles, alors qu’elle circulait seule au volant du véhicule habituellement utilisé par son compagnon", dans le village de Ponte-Leccia, dans la commune de Morosaglia, a indiqué dans un communiqué le procureur de la République de Bastia, Jean-Philippe Navarre.
Un appel à manifester à Ajaccio a été lancé par deux collectifs antimafia pour dénoncer la violence persistante.
Un taux de meurtre trois fois supérieur à la métropole
"Il n’y a pas de mot pour décrire ce qu’on ressent, a réagi sur RTL Xavier Poli, le maire de la ville corse de Corte, dont est originaire la famille de Chloé. Je connaissais très bien Chloé. On est sidéré et touché par ce drame qui est une horreur indicible."
L’affaire n’est pas sans rappeler d’autres drames dans lesquels les victimes ont été ciblées par erreur. (...)
À côté de ces crimes, "tous les jours il y a des incendies de commerces, de camions de transports de déchets, de centres de tri...", énumère Jean-Toussaint Plasenzotti, porte-parole du collectif antimafia Massimu Susini, créé en 2019 après l’assassinat de Massimu Susini, symbole de la lutte contre l’emprise mafieuse en Corse.
Avec "18 homicides et 16 tentatives d’homicides" en 2024 pour 355 000 habitants – l’équivalent de la population de Nice –, la Corse se place "au premier rang national en la matière", a récemment rappelé Jérôme Filippini.
En 2023, la Corse a enregistré un taux de 3,7 homicides pour 100 000 habitants, se positionnant comme l’une des régions les plus touchées par les homicides en France. Un taux significativement plus élevé que celui de Marseille (2,6), et qui dépasse largement le taux de la France métropolitaine (1,2), mais aussi d’autres pays européens comme l’Allemagne, l’Espagne ou encore le Royaume-Uni.
La Corse est aussi régulièrement le théâtre d’assassinats d’élus ou personnalités de premier plan (...)
Une imprégnation mafieuse jusque dans "les services de l’État"
"On cumule des particularités dont on se passerait bien et qui sont mortifères pour nous et même désespérantes puisque les personnes chargées de nous représenter (les élus), ou de nous protéger (la police et la justice) sont impliquées", déplore-t-il encore, affirmant clairement que "les choses se sont aggravées". (...)
Début février, lors de son audition par la mission d’information sur l’avenir institutionnel de la Corse, l’ex-préfet Amaury de Saint-Quentin a en effet admis que l’imprégnation mafieuse concernait "aussi les services de l’État".
"Avec la décentralisation, et demain l’autonomie, les décisions sont prises en Corse, et les voyous, qui auparavant s’exportaient, restent maintenant en Corse et ont décidé d’en faire une chasse gardée et de peser sur les décisions politiques", explique-t-il.
"Les bandits s’organisent en coteries, certaines bandes se font la guerre, mais des membres se coalisent aussi pour constituer des holdings criminelles qui comptent se pérenniser. Ils sous-traitent la partie violente de leur activité si nécessaire, tout en se promenant en costume trois-pièces comme des homme d’affaires."
"Comme s’il n’y avait pas de mafia en France"
Dans leur communiqué commun, les préfets de Haute-Corse et de Corse-du-Sud ont dénoncé une "violence impardonnable". (...)
Avec pour mot d’ordre "ASSASSINI, MAFFIOSI, FORA" ("assassins, mafieux, dehors"), les deux collectifs antimafia corses, "a Maffia no, a Vita ie" (non à la mafia, oui à la vie) et Massimu Susini ont lancé un appel à manifester samedi 22 février à Ajaccio. (...)