
L’agence européenne de surveillance des frontières a indiqué mardi avoir ouvert une enquête concernant des allégations de "pushbacks" de migrants aux frontières grecques. Athènes est accusée depuis des années de pratiquer des refoulements illégaux dans la région de l’Evros ou en mer Égée, ce que les autorités ont toujours nié.
(...) Les investigations portent sur la période allant de 2023 à début 2025, a précisé l’agence européenne de surveillance des frontières. Douze incidents graves présumés, dont neuf survenus en 2024, sont ainsi examinés par le Bureau des droits fondamentaux de l’organisation.
"Chaque cas fait l’objet d’un examen approfondi", a déclaré mardi Chris Borowski, porte-parole de Frontex, ajoutant que l’agence avait récemment renforcé son mécanisme de plaine. "L’époque du soutien inconditionnel est révolue", a encore dit Borowski. "Frontex insiste désormais sur le respect des normes et attend des mesures correctives si nécessaire."
Frontex prévient les États membres de l’UE, dont la Grèce, que le fait de ne pas signaler les violations des droits pourrait désormais entraîner la suspension du cofinancement des opérations aux frontières.
"Pratiques du passé"
L’agence européenne a, elle aussi, été plusieurs fois critiquée pour son rôle dans le contrôle de l’immigration aux frontières grecques. En octobre 2022, un rapport de l’Office européen de lutte anti-fraude (OLAF) se concentrait sur ses activités en Grèce du printemps à l’automne 2020. Il révélait que Frontex n’avait pas traité correctement des preuves de refoulements maritimes et terrestre, allant jusqu’à les dissimuler. Or, ces "puschbacks" sont contraires au droit international et européen, puisqu’ils empêchent tout examen d’une demande de protection. (...)
L’agence avait alors reconnu de "graves fautes de conduites" commises par les dirigeants de Frontex d’alors, et affirmait qu’il s’agissait de "pratiques du passé". Le numéro un, Fabrice Leggeri, directeur général depuis 2015, avait démissionné fin avril 2022 face aux accusations relayées dans la presse. (...)
en janvier dernier, Athènes a été épinglée par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) dans une affaire de "pushback". (...)
Lors du verdict, la Cour a accusé la Grèce de se livrer à des "refoulements systématiques" de demandeurs d’asile vers la Turquie. Dans son arrêt, "la Cour estime qu’elle dispose d’indices sérieux laissant présumer qu’il existait (en 2019) une pratique systématique de refoulements par les autorités grecques de ressortissants de pays tiers depuis la région d’Evros vers la Turquie". (...)
Depuis des années, des rédactions internationales - dont InfoMigrants - récoltent de nombreux témoignages d’exilés victimes de ces expulsions illégales en Grèce, qu’elles se déroulent dans la région de l’Evros ou en mer Égée. (...)
En 2021, InfoMigrants avait même rencontré un ex-policier grec aujourd’hui à la retraite qui a confirmé l’existence de "pushbacks" dans la rivière de l’Evros, entre la Turquie et la Grèce. "Les ’pushbacks’ existent, j’ai moi-même renvoyé 2 000 personnes vers la Turquie", avait-il déclaré sous couvert d’anonymat.
En mai 2023, une vidéo accablante du New York Times montrait des gardes-côtes grecs remettre des migrants à l’eau, direction la Turquie.
Pire encore, selon une enquête de la BBC menée en juin 2024, en trois ans, 43 exilés sont morts en mer Égée après avoir été refoulés par les autorités grecques. Selon le média britannique, neuf d’entre eux ont été directement jetés à l’eau par les gardes-côtes, et se sont noyés.