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L’accès au marché du travail, l’autre façon de limiter l’immigration
#migrants #immigration #UE #accesauTravail #protectionnisme
Article mis en ligne le 9 septembre 2025
dernière modification le 5 septembre 2025

Au-delà du contrôle des frontières pour canaliser l’immigration, une nouvelle étude montre comment l’Autriche, l’Allemagne, l’Irlande et le Royaume-Uni réduisent par des réglementations la compétitivité et les chances d’accès à l’emploi de certains migrants.

Si au Royaume-Uni, le débat migratoire se concentre largement sur sur les "small boats", ces petites embarcations qui traversent la Manche clandestinement, dans l’ensemble de l’UE, le débat migratoire porte largement sur les contrôles aux frontières pour gérer les arrivées de demandeurs d’asile. Pourtant, des changements plus discrets s’opèrent, non pas aux frontières, mais sur le lieu de travail.

Une nouvelle étude publiée par la London School of Economics intitulée montre comment l’Autriche, l’Allemagne, l’Irlande et le Royaume-Uni ont progressivement renforcé les règles qui régissent l’accès à l’emploi des migrants vivant dans le pays. Au lieu de miser uniquement sur le contrôle des frontières, les gouvernements introduisent ainsi des restrictions pour déterminer qui peut être embauché, à quelles conditions et pour quel salaire.
À quoi ressemblent ces restrictions ?

L’étude identifie trois principaux types d’obstacles qui conditionnent désormais l’emploi des migrants après leur arrivée dans le pays :

  • La vacance d’emploi : les employeurs doivent d’abord prouver qu’aucun travailleur local n’est disponible avant d’embaucher une personne étrangère.
  • Seuils de rémunération et de qualification : les migrants sont souvent tenus de présenter des niveaux de salaire et d’études supérieurs à la moyenne afin d’obtenir le droit de travailler, garantissant ainsi qu’ils ne concurrencent pas la main-d’œuvre locale.
  • Périodes de fidélité à l’employeur : de nombreux arrivants sont tenus de garder le même employeur pendant au moins un an avant de pouvoir changer d’emploi.

Les demandeurs d’asile sont soumis à des règles supplémentaires, telles que l’obligation d’attendre plusieurs mois avant d’être autorisés à travailler. (...)

Quatre pays, quatre méthodes pour des résultats convergents

Les quatre pays étudiés ont fini par adopter des systèmes étonnamment similaires. (...)

Un idée très répandue est que l’Union européenne (UE) est le moteur de la politique migratoire. Si Bruxelles a fixé des normes de base, la plupart des restrictions en matière d’emploi ont été conçues et sont appliquées au niveau des Etats membres.

Aussi, l’élargissement de l’UE en 2004 et 2007 a suscité des inquiétudes quant à la concurrence sur le marché du travail. En réponse, les gouvernements ont introduit des règles plus strictes en matière d’accès à l’emploi, en particulier dans les secteurs peu qualifiés.

Attirer la main-d’œuvre qualifiée étrangère

Paradoxalement, tout en limitant l’accès à l’emploi pour les migrants, les gouvernements européens lancent également des programmes visant à attirer les meilleurs talents. (...)

Marché du travail européen en tension

Ainsi, les politiques nationales analysées dans l’étude reflètent une contradiction européenne : le marché du travail est confronté à une manque croissant de personnel, mais le débat politique continuent de présenter l’immigration comme un problème à "résoudre".

Récemment, la présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, a fait remarquer que les travailleurs nés à l’étranger ne représentent que 9 % de la main-d’œuvre de l’UE, mais qu’ils ont contribué à la moitié de la croissance de l’emploi depuis 2022. De nombreux secteurs en dépendent, des hôpitaux aux chantiers de construction. (...)

Paradoxalement, en Allemagne, les responsables mettent en garde contre une pénurie de main-d’œuvre imminente, alors que les demandeurs d’asile sont confrontés à de nouvelles restrictions.

Au Royaume-Uni, le gouvernement travailliste s’est engagé à durcir les règles relatives aux salaires pour l’obtention d’un visa, malgré les avertissements des employeurs selon lesquels une baisse du recrutement à l’étranger paralysera les secteurs de la santé, la construction et l’hôtellerie ou encore de l’agriculture.

Conséquences économiques du protectionnisme

En effet, l’étude met en garde contre les risques économiques liés à cette approche. En limitant l’accès des migrants à l’emploi, les gouvernements risquent d’aggraver la pénurie de main-d’œuvre dans les secteurs et industries clés. (...)

À long terme, ces restrictions menacent la croissance, nuisent à la compétitivité et aggravent les problèmes liés au vieillissement de la population.

Les employeurs peuvent en tirer profit à court terme lorsque les migrants sont liés par des contrats, mais l’économie dans son ensemble perd la mobilité et le dynamisme qu’apporte une main-d’œuvre flexible.
Des frontières au marché du travail

L’étude conclut que l’Europe est passée d’un contrôle de l’immigration principalement aux frontières à une gestion de celle-ci à travers les conditions d’accès à l’emploi, soit une nouvelle forme de protectionnisme.

Sur le plan politique, ces mesures offrent une "victoire facile". Les gouvernements peuvent affirmer qu’ils protègent les travailleurs locaux sans susciter l’opposition des entreprises, dont certaines apprécient même la stabilité que représentent les contrats passés avec des travailleurs étrangers. Mais les migrants sont confrontés à une réduction de leurs droits, à une liberté limitée et à un pouvoir de négociation affaibli. (...)

Des règles en constante évolution (...)

Si l’Europe ressemble à une forteresse, il s’agit de plus en plus d’une forteresse qui comporte de nombreuses portes d’accès, et les règles qui régissent ces portes sont en train d’être discrètement réécrites.