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Basta !
L’extrême droite britannique multiplie les raids racistes sur le littoral français
#Manche #Calais #migrants #immigration #extremedroite #UKIP #racisme #masculinisme #xenophobie
Article mis en ligne le 14 novembre 2025
dernière modification le 10 novembre 2025

Les attaques de militants de l’UKIP visant des exilés se sont succédé ces derniers mois autour de Dunkerque, s’ajoutant à de nombreuses pressions. Des associatifs dénoncent le laisser-faire des autorités et craignent l’escalade.

La vidéo ne dure qu’une quarantaine de secondes. Sur les premières images, on distingue une douzaine de personnes, de nuit, portant une banderole floquée du message « Islamist invaders not welcome in Britain » (« Les envahisseurs islamistes ne sont pas les bienvenus en Grande-Bretagne »). Dans la séquence suivante, au moins sept hommes, casquettes noires vissées sur le crâne, marchent à vive allure dans les rues de Grand-Fort-Philippe, en périphérie de Dunkerque, dans le Nord.

L’un d’entre eux porte un drapeau de l’Angleterre, un autre, celui de l’Union Jack. On les voit, munis de puissantes lampes torches, se rapprocher puis s’en prendre à un groupe d’une vingtaine de personnes exilées, assises et assoupies sur le trottoir. Ces dernières sont réveillées dans leur sommeil, la plupart semblent stupéfaites. La bande-son de la vidéo se résume à un slogan, qui tourne en boucle : « You shall not pass ! » (« Vous ne passerez pas ! »)

Cette vidéo, rendue publique le 30 septembre sur les réseaux sociaux du parti d’extrême droite britannique UKIP (United Kingdom Independence Party), a été tournée dans la nuit du 9 au 10 septembre. « Ce soir-là, les militants du UKIP ont insulté les exilés, ils ont également volé les gilets de sauvetage de certains et sont même allés jusqu’à frapper plusieurs personnes, dont une femme », détaille Salomé Bahri, coordinatrice de l’association Utopia 56.

Au cours de leur maraude nocturne, les bénévoles de cette association ont rencontré les exilés victimes de cette agression et ont recueilli leurs témoignages. « Ils ont vraiment eu peur, certains ont cru qu’ils allaient mourir », confie Salomé Bahri.

À leur tête, un leader raciste et masculiniste (...)

Alors que le Royaume-Uni est confronté depuis plusieurs mois à d’importantes mobilisations anti-immigrés, les plages de la Côte d’Opale sont devenues le nouveau terrain de jeu de l’extrême droite britannique, suscitant peu de réactions des pouvoirs publics.

« Il y a toujours eu cette menace de l’extrême droite sur le littoral, mais cela s’est nettement accéléré ces derniers temps », note Salomé Bahri. Début juin, les militants de l’UKIP sont restés plusieurs jours à Calais et ont multiplié les intimidations envers les exilés et les personnes solidaires, postant systématiquement ensuite leurs vidéos sur les réseaux. À leur tête, une des figures du parti, Nick Tenconi, ouvertement islamophobe, masculiniste et anti-LGBT+, promeut l’expulsion en masse des immigrés présents sur le territoire britannique.

Les humanitaires dépeints comme des « terroristes de l’intérieur » (...)

Le parti d’extrême droite a lancé pendant l’été une cagnotte en ligne destinée à « maintenir une présence dans le nord de la France » de ses militants « afin de localiser et stopper les bateaux ». Plus de 21 000 euros ont pour l’heure été récoltés par la plateforme GiveSendGo, déjà épinglée pour avoir hébergé des appels à dons en faveur de militants suprémacistes et néo-nazis. Ces raids de militants de l’UKIP ne constituent toutefois pas la seule menace à laquelle ont dû faire face les personnes exilées et leurs soutiens ces derniers mois sur le Calaisis et la Côte d’Opale.

Croix gammée, doigts d’honneur et excréments

« Ces dernières semaines, nous avons constaté que certaines cuves d’eau avaient été sabotées : des robinets ont été volés, l’eau a été polluée par du produit vaisselle ou encore des personnes ont volontairement déversé le contenu », indique Lachlan Macrae de Calais Food Collective. (...)

Les groupuscules néo-fascistes français en embuscade (...)

Les autorités très lentes à réagir

Le raid de l’UKIP de début septembre a donné lieu à un signalement d’Utopia 56 auprès du parquet de Dunkerque le 18 septembre. Ce n’est toutefois qu’après la publication de la vidéo sur X de l’agression perpétrée contre des exilés que la procureure de Dunkerque a ouvert une enquête. Contacté par Basta !, le parquet de Dunkerque n’a pas partagé de nouveaux éléments relatifs à cette affaire. Plusieurs associatifs restent toutefois sceptiques quant à la capacité de réaction des autorités françaises, les mêmes qui, par ailleurs, organisent des expulsions de campements toutes les 48 heures à Calais ou cautionnent les interceptions violentes de zodiacs sur les plages du littoral.

« Une ligne rouge a été dépassée : les pouvoirs publics laissent faire les propos et actes racistes et nous, en tant qu’associatifs, on se retrouve à devoir s’organiser, faire de la veille sur les réseaux sociaux afin de prévenir de futurs agissements de l’extrême droite », estime Jade Lamalchi, de l’Auberge des migrants, qui a de son côté signalé les cas de filatures auprès de la sous-préfecture de Calais, sans suite pour le moment. « On essaie désormais d’anticiper de nouvelles menaces de l’extrême droite, abonde Salomé Bahri. On prévient les bénévoles et les personnes exilés via des stories WhatsApp et on adapte nos missions sur le terrain. » (...)

Fin septembre, dans un courrier adressé au Premier ministre britannique, Keir Starmer, un collectif de 150 organisations de la société civile britannique appelle à une réponse forte des autorités face aux intimidations et menaces grandissantes de l’extrême droite auxquelles elles sont confrontées.

Salomé Bahri conclut : « En Angleterre comme en France, cette volonté de beaucoup de responsables politiques de ne pas pointer du doigt les discours et les actes racistes est un terreau fertile, c’est une incitation à continuer et aller plus loin. »