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Mediapart
La France mise face à sa responsabilité dans la répression au Togo
#Togo #armee #repression #manifestations #resistane #France
Article mis en ligne le 16 juillet 2025
dernière modification le 15 juillet 2025

Après la répression meurtrière des manifestations de juin, et alors que de nouvelles mobilisations sont prévues mercredi et jeudi, des voix s’élèvent pour demander à la France de suspendre sa coopération militaire avec Lomé. Depuis 1963, Paris forme l’armée togolaise.

« Au Togo, sept jeunes ont été assassinés pour avoir dénoncé un coup d’État constitutionnel. La France restera-t-elle silencieuse ? Maintiendra-t-elle son accord de défense ? Nos soldats forment-ils les tortionnaires qui massacrent la jeunesse togolaise ? »

Le ministre des affaires étrangères français, Jean-Noël Barrot, n’a pas répondu à ces questions posées le 2 juillet par Aurélien Taché, député de La France insoumise (LFI). Il s’est contenté de déclarer que la France « sui[vait] la situation au Togo », appelait « tous les acteurs politiques » à un « dialogue transparent, inclusif et apaisé », et réaffirmait son « attachement indéfectible à la liberté de manifestation ».

Quelques jours plus tôt, les 26, 27 et 28 juin, des milliers de jeunes manifestant·es s’étaient heurté·es dans les rues de Lomé, la capitale, à la brutalité des forces de défense et de sécurité, appuyées par des miliciens. Bilan : sept morts, des centaines de personnes blessées, des dizaines d’arrestations, plusieurs condamnations judiciaires. Amnesty International a dénoncé « un usage inutile et excessif de la force et de la violence ». En retour, le ministre de l’administration territoriale, le colonel Hodabalo Awaté, a parlé de « tentatives de déstabilisation », assimilant les manifestations à du « terrorisme ». (...)

Depuis le 6 juin, la jeunesse togolaise se mobilise à l’appel de blogueurs et d’artistes de la diaspora, désormais réunis sous le nom de « Mouvement du 6 juin » (M66). Leur principale revendication : le départ de Faure Gnassingbé, au pouvoir depuis vingt ans, qui a fait modifier la Constitution en 2024 afin de se maintenir indéfiniment à la tête de l’État.

Aurélien Taché n’est pas le premier à interroger la responsabilité de la France dans la répression multiforme qui vise les dissident·es au Togo. La question se pose depuis 1963. (...)

en janvier 1967, Eyadema Gnassingbé prend officiellement le pouvoir par un second coup d’État. Les autorités françaises ne s’en émeuvent pas. Elles ne réagiront pas davantage pendant les trente-huit années de terreur qui suivront, ni lorsque Faure Gnassingbé succédera en 2005 à son père, en violation flagrante de la Constitution, ni quand les contestations populaires seront réprimées dans le sang.

Paris se tait parce que ce sont ses créatures qui sont aux commandes et sur le terrain. Pendant toutes ces décennies, la France a en effet formé et équipé les forces de défense et de sécurité togolaises. En 1991, Le Monde observait que ces forces étaient encadrées par soixante-quinze officiers français, « qui en ont à la longue façonné l’organisation et le savoir-faire ». À la différence d’autres armées africaines, celle du Togo est « puissante, structurée [...] et est restée attachée au chef de l’État au point de ne reconnaître que sa seule autorité », notait aussi le journal. (...)

Au fil des exactions commises par les militaires et policiers togolais, quelques parlementaires français ont interpellé leur gouvernement (...)

Aujourd’hui, les autorités françaises entretiennent le flou autour de la présence militaire au Togo et des modalités exactes de la coopération bilatérale. Sollicité par Mediapart, le ministère des armées n’a pas donné suite. Une source diplomatique s’est limitée à indiquer que « la coopération de défense avec le Togo » restait « stable, sans volonté d’expansion ou de réduction pour le moment ». Ajoutant : « Nous sommes en attente de clarifications de la partie togolaise sur ses intentions, afin d’adapter notre dispositif à ses besoins et selon nos intérêts. » Cette source a également précisé que la France pilotait le projet européen Defence Forces Enabling Development (Defend Togo), censé renforcer notamment les capacités des forces armées togolaises dans la lutte contre le terrorisme dans le nord du pays.
La France « coresponsable »

Ce qui est certain, c’est que l’armée française continue de former de diverses manières des militaires togolais (...)

Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que la France soit perçue par une large partie de l’opinion togolaise comme « coresponsable de la situation dramatique des Togolais », comme le souligne Nathaniel Olympio, porte-parole du front « Touche pas à ma Constitution », un regroupement de partis politiques de l’opposition et de la société civile. (...)

Touche pas à ma Constitution a appelé la « communauté internationale » à « suspendre toute coopération avec ce régime illégitime et violent », tandis que l’association française Survie réclame « l’arrêt immédiat de toute forme de coopération militaire et policière entre Paris et Lomé ». Auprès de Mediapart, Nathaniel Olympio évoque une collaboration « au service du pouvoir et contre les intérêts de la population ».

Pendant que le gouvernement français ferme les yeux sur ce qu’il se passe à Lomé, les autorités togolaises campent sur leurs positions. Elles ont émis des mandats d’arrêt internationaux contre des membres du M66, qu’elles accusent d’avoir « appelé à tuer à visage découvert ». Une tentative d’intimidation qui reste sans effet : le M66 a annoncé de nouvelles mobilisations pour mercredi 16 et jeudi 17 juillet, date prévue pour la tenue des élections municipales.