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Didier Dubasque
Le nouveau RSA : une bombe sociale à retardement génératrice d’exclusion.
#RSA #exclusion #inegalites #algorithmes #desuhumanisation
Article mis en ligne le 23 octobre 2024
dernière modification le 21 octobre 2024

Le gouvernement a prévu de généraliser au 1er janvier 2025 une réforme du RSA qui soulève de vives inquiétudes. Sous couvert d’un « accompagnement rénové », la loi pour le plein emploi impose aux allocataires 15 heures d’activité hebdomadaires obligatoires, au risque de fragiliser encore davantage les plus précaires. C’est le constat alarmant que dresse un collectif d’association (le Secours Catholique, ATD Quart Monde et AequitaZ) dans un rapport publié ce 14 octobre dernier.

Une réforme qui ajoute de la honte à la pauvreté

Sur le fond, « l’esprit général de la réforme du RSA inscrite dans la loi pour le plein emploi met au défi l’allocataire de démontrer qu’il « mérite » son RSA. Il encourage un discours stigmatisant, décomplexé, qui ne fait bien souvent qu’aggraver l’angoisse du tête-à-tête avec le travailleur social ou l’agent France Travail ». C’est, expliquent les associations, « une angoisse d’être encore plus contrôlé, d’avoir encore plus à se justifier, d’être sanctionné et, in fine, de perdre ses maigres revenus : 536 euros en moyenne pour le RSA ».

La méfiance et la stigmatisation mettent à mal notre solidarité nationale. Il est nécessaire de rappeler que la vie au RSA est une vie de minimas : se nourrir a minima, se déplacer a minima, se protéger du mieux que l’on peut face à tous les risques. Nous n’avons aucun intérêt à produire des politiques publiques qui ajoutent de la honte à la pauvreté.

Un glissement progressif et dangereux vers le travail gratuit

Premier point d’alerte : le risque de voir se développer une forme de travail gratuit déguisé. (...)

Plus insidieux encore, le bénévolat devient une obligation déguisée. (...)

L’algorithme, le nouveau maître du jeu

Autre sujet d’inquiétude majeur : le recours croissant aux algorithmes pour orienter les allocataires. Dans la plupart des départements expérimentaux, un traitement automatisé des données détermine le parcours d’accompagnement, avant même tout entretien physique. C’est une forme de déshumanisation qui fait fi des réalités complexes vécues par les personnes. (...)

Autre risque à venir qui n’est pas évoqué : ce serait aux allocataires du RSA d’informer via une plate-forme gérée par une IA du contenu des 15 heures d’activité permettant de continuer de percevoir la prestation. Le risque est grand là aussi de déshumaniser les échanges et de laisser les allocataires dans la même situation que les demandeurs d’emploi de France Travail.

Les résultats sont d’ores et déjà là : des orientations souvent inadaptées, comme en témoigne ce chiffre édifiant : 26% des allocataires orientés vers le parcours « emploi » déclarent au moins deux freins majeurs à l’emploi. Le risque est grand de voir des personnes ballottées d’un dispositif à l’autre, sans prise en compte de leur situation réelle. (...)

La machine à radier s’emballe

Plus grave encore, la mécanique des radiations semble s’accélérer dangereusement. (...)

Cette logique punitive risque d’aggraver le non-recours, déjà massif. (...)

Un retour à l’emploi en trompe-l’œil

Enfin, les chiffres de retour à l’emploi mis en avant par le gouvernement masquent une réalité bien moins reluisante qu’annoncé. (...)

Il faut noter aussi que cette approche fait l’impasse sur les problèmes de santé qui touchent massivement les allocataires du RSA. (...)

Face à ce constat affligeant, les trois associations tirent la sonnette d’alarme. Elles demandent la suspension immédiate de la généralisation prévue au 1ᵉʳ janvier prochain et l’ouverture d’un véritable dialogue avec les personnes concernées et les associations qui les représentent.

Il est urgent de repenser en profondeur cette réforme avant qu’elle ne produise des dégâts irréversibles sur les plus fragiles. Les travailleurs sociaux vont avoir beaucoup de travail pour tenter de renouer avec les futurs exclus du RSA qui ne disposeront plus de l’essentiel pour vivre.