
Alors qu’AXA a récemment mis fin à tous ses investissements dans les banques israéliennes, Carrefour tente de dissimuler sa présence dans les colonies. Le groupe BNP Paribas est, lui aussi, dans le viseur du mouvement de boycott.
Une vraie victoire, un autre plus « cosmétique » et une offensive qui s’affine. Ces dernières semaines, le mouvement de solidarité avec la Palestine et les campagnes de boycott et de désinvestissement portées par le mouvement BDS et d’autres organisations ont gagné du terrain. Et au moins deux groupes français faisant affaire avec Israël, malgré les crimes commis par son armée dans la bande de Gaza, ont opéré de discrètes prises de distance. (...)
Ces trois banques figurent sur la liste des Nations unies recensant les entreprises et compagnies impliquées d’une façon ou d’une autre dans la colonisation des terres palestiniennes en Cisjordanie et à Jerusalem-Est. En 2022, AXA s’était déjà retirée du capital de Mizrahi-Tefahot Bank et de First International Bank of Israel, deux autres établissements figurant sur la même liste. Sous pression de la campagne, la compagnie d’assurance française s’était aussi retirée en 2019 d’Elbit Systems, entreprise d’armement israélienne.
« Le désinvestissement d’AXA est un succès important pour le mouvement BDS et les activistes qui luttent pour plus de responsabilité des entreprises, se félicite Fiona Ben Chekroun, coordinatrice pour l’Europe du mouvement palestinien BDS, qui a lancé la campagne. Les banques israéliennes font partie du squelette de l’entreprise coloniale israélienne. Et la participation de ces cinq banques va au-delà du simple apport financier (...)
En avril dernier, lors de l’assemblée générale, un actionnaire avait accusé le groupe d’être « complice de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité ». Le directeur général Thomas Buberl avait alors répondu qu’AXA détenait « zéro action » dans les banques israéliennes, ajoutant que le groupe ne prenait « pas position concernant cette crise géopolitique grave ».
« Même s’ils ont rempli nos demandes initiales, le désinvestissement d’Elbit system et celui des banques, nous allons continuer à investiguer sur AXA, promet Fiona Ben Chekroun. Normalement, quand les objectifs d’une campagne sont atteints, on s’en tient là, mais dans le cadre très spécifique actuel du génocide commis à Gaza, on veut s’assurer qu’AXA n’est pas impliquée dans d’autres entreprises qui y participent. »
Carrefour retire ses produits des colonies (...)
Quelques jours après le 7 octobre 2023, alors que les bombardements meurtriers sur la bande de Gaza avaient commencé, la branche israélienne de Carrefour avait assuré sur les réseaux sociaux qu’elle allait faire des « milliers d’envois personnels » aux soldats israéliens. Une communication qui lui avait valu une avalanche de condamnations et d’appels au boycott.
Depuis, « Carrefour s’est visiblement rendu compte qu’être présent sous son nom dans les colonies israéliennes provoquait des dégâts réputationnels... », ironise Pierre Motin, responsable plaidoyer de la plateforme des ONG pour la Palestine, actrice de la campagne. Prenant acte de ce « petit retrait sur la visibilité et l’affichage de la marque dans les colonies », il lui concède une portée « cosmétique » et rappelle que « les accords de franchise demeurent ». (...)
« En réalité, Carrefour a un accord de franchise avec l’ensemble des magasins Yenot Bitan, qu’ils soient en Israël ou dans les colonies. » En témoigne notamment « une offre d’emploi publiée en janvier 2024 pour recruter du personnel dans une “succursale Carrefour” de la colonie de Maale Adumim », soulignent les ONG dans leur communiqué. S’il a bien disparu des devantures, le groupe dirigé par Alexandre Bompard reste donc présent dans de nombreux rayons des boutiques installées dans les colonies.
Un soutien à 2 milliards pour BNP Paribas (...)
Le grand groupe banquier français est, lui, dans le viseur de six organisations (Association France Palestine solidarité, CGT, Fédération internationale des droits de l’homme, Ligue des droits de l’homme, Plateforme des ONG pour la Palestine et Solidaires) qui lui reprochent de « financer l’État israélien en pleine guerre contre la population civile de Gaza ». Selon des révélations faites le 23 juin dernier par le quotidien L’Humanité, BNP Paribas s’est engagé à garantir 2 milliards de dollars d’obligations émises par l’État d’Israël sur un total de 8 milliards, soit un quart de la somme.
« Vous contribuez, par votre financement de la dette souveraine de l’État d’Israël, à la poursuite d’une guerre dont la plus haute juridiction internationale souligne qu’elle est porteuse d’un risque génocidaire », alertent les six organisations dans un courrier adressé au directeur général du groupe, Jean-Laurent Bonnafé, le 2 août dernier. (...)
Israël ne communique jamais sur les conséquences des campagnes de boycott et de désinvestissement sur son économie. Mais le petit État, épinglé à deux reprises en six mois par la Cour internationale de justice (le 26 janvier pour des risques de génocide à Gaza et le 19 juillet pour l’illégalité de sa politique d’occupation), semble bien être entré dans une zone de fortes turbulences économiques. Près de 60 % des investisseurs étrangers se sont détournés du pays ces derniers mois. Et en février dernier, l’agence de notation Moody’s a dégradé sa note.
Quel poids les campagnes du mouvement de solidarité ont-elles dans ce schéma d’affaiblissement ? « Il est difficile d’évaluer l’impact réel de tels désinvestissements sur l’économie israélienne, reconnaît Fiona Ben Chekroun. Mais nous allons continuer sur ce terrain, car il y a une certitude : le système d’oppression israélien continue d’exister essentiellement grâce à la complicité internationale, notamment celle des institutions financières. Il est certain que si beaucoup de ces partenariats s’arrêtent, ça pèse. »
D’autres sociétés françaises sont dans le viseur. (...)
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