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France24
"Les habitants ne peuvent pas revenir" : Gaza face à la nouvelle "ligne jaune" tracée par Israël
#Israel #Gaza #Cisjordanie #genocide #famine #tortures #cessezleFeu
Article mis en ligne le 25 octobre 2025

L’armée israélienne a commencé à marquer la "ligne jaune" derrière laquelle elle doit se retirer, conformément au plan de paix signé avec le Hamas. Une ONG juridique israélienne dénonce une "frontière floue" entraînant une "exposition accrue aux tirs" et bloquant l’accès d’une partie de la population aux habitations, terres agricoles et infrastructures civiles.

Des blocs de béton jaunes, surmontés de poteaux jaunes, le tout installé par des bulldozers. Dans une publication X du 20 octobre, l’armée israélienne a annoncé avoir "commencé à marquer la ligne jaune dans la bande de Gaza dans le but de créer une clarté tactique sur le terrain", photos à l’appui.

Cette démarcation fait partie de la première phase du plan de paix proposé par Donald Trump et accepté par Israël et le Hamas le 9 octobre. (...)

Outre un cessez-le-feu et un échange de prisonniers palestiniens contre les otages israéliens, cette phase comprend le retrait des troupes israéliennes à l’est de cette ligne, dans une zone qui représente environ 53 % de l’enclave.

Tracée grossièrement sur une carte partagée par le compte X de la Maison-Blanche fin septembre, la ligne avait ensuite été cartographiée dans une publication de Donald Trump sur son réseau social Truth Social le 4 octobre. (...)

"Frontière floue"

Des ONG avaient rapidement dénoncé un manque de clarté quant à la localisation de la ligne. Dans un communiqué du 19 octobre, l’organisation juridique israélienne Gisha, qui défend la liberté de déplacement des Palestiniens, écrivait : "Dans la pratique, la carte n’indique pas exactement où passe la ligne. Au cours de la semaine dernière, l’armée israélienne a tiré à plusieurs reprises sur des civils qui s’en approchaient."

Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, l’armée israélienne a tué, entre le 10 et le 15 octobre 2025, 15 personnes à proximité des zones où sont stationnées les forces israéliennes.

Le 17 octobre, onze civils gazaouis, dont des enfants, ont été tués par l’armée israélienne alors qu’ils circulaient en voiture à l’est de la ville de Gaza, selon les autorités du Hamas. L’armée israélienne a affirmé avoir tiré après qu’un "véhicule suspect" s’était approché de la "ligne jaune".

Socles en béton surmontés de poteaux jaunes (...)

Des images partagées par l’armée et géolocalisées par des comptes spécialisés sur X indiquent que des blocs ont été positionnés à au moins deux endroits : dans le sud de la bande de Gaza, à proximité de Khan Younès, et dans le nord de l’enclave, au sud de Beit Lahia.

Dans les deux cas, elles montrent que les marqueurs sont placés plusieurs centaines de mètres davantage à l’intérieur de l’enclave par rapport au tracé partagé par l’armée israélienne.

Des experts interrogés par la BBC ont estimé qu’Israël pourrait être en train d’établir une "zone tampon". "C’est un peu comme un no man’s land qui n’appartient à personne – et Israël a tendance à prendre ce territoire à l’adversaire plutôt qu’à lui-même", faisait valoir Andreas Krieg, professeur associé au King’s College de Londres. (...)

"Cela entraîne une exposition accrue aux tirs réels près d’une frontière floue"

Pour Shai Grunberg, porte-parole de l’organisation Gisha, cette "frontière floue" s’inscrit dans la continuité des pratiques habituelles d’Israël

“Tout au long de la guerre, les cartes et les ‘zones d’évacuation’ d’Israël ont été vagues et incohérentes, laissant les gens dans l’incertitude quant à savoir s’ils se trouvaient dans des zones dangereuses.

Même maintenant, le marquage de certaines portions de la ligne ne garantit pas la sécurité [de tous]. De nombreux résidents tentent toujours de rejoindre leurs maisons situées ‘derrière la ligne’, souvent sans indications précises sur sa localisation.

Alors que ces personnes subissent déjà des déplacements répétés, une surpopulation et des services de base dégradés, cela entraîne une fragmentation du territoire, avec une exposition accrue aux tirs réels près d’une frontière floue.”

(...)

Surtout, le marquage de la ligne ne dispense pas l’armée de ses obligations légales en matière d’usage de la force, souligne Shai Grunberg :

“En vertu du droit international, [l’armée] doit s’abstenir de cibler des civils, quelle que soit leur proximité d’une ligne. L’armée doit toujours faire la distinction entre les civils et les combattants, n’utiliser la force que lorsque cela est strictement nécessaire et de manière proportionnée, et prendre des précautions constantes pour protéger les civils.

Les déclarations officielles avertissant que tout ‘franchissement’ de la ligne sera ‘réprimé par des tirs’ ne justifient pas les préjudices causés aux civils et n’exonèrent pas Israël de sa responsabilité et de ses obligations légales.”

(...)

Quant aux Gazaouis qui habitaient aux abords de cette ligne, à Khan Younès par exemple, ils doivent se résoudre à fuir. L’armée israélienne y a largué des tracts demandant aux habitants de quitter la zone. (...)

"Empêcher les agriculteurs d’accéder à cette zone revient à prolonger une crise d’insécurité alimentaire déjà existante"

Shai Grunberg souligne également que de nombreuses infrastructures se trouvent à l’est de la ligne jaune, et s’avèrent donc inaccessibles pour la population (...)

“Cette zone comprend des sites logistiques humanitaires et de services publics essentiels, tels que des entrepôts utilisés par l’ONU et d’autres ONG, des infrastructures d’eau et d’assainissement [...], ainsi que des sites de traitement des déchets [...].

Cette zone est également cruciale pour les opérations humanitaires qui nécessitent un accès aux points de passage vers la bande de Gaza. La fermeture prolongée du passage de Zikim dans le nord a déjà gravement entravé l’acheminement de l’aide, même si une aide limitée entre via Kerem Shalom et Kissoufim dans le sud.

Avant la guerre, environ 41 % des terres de Gaza étaient dédiées à l’agriculture, principalement le long des frontières nord et est, désormais au-delà de la ‘ligne jaune’. Empêcher les agriculteurs d’accéder à cette zone revient à prolonger une crise d’insécurité alimentaire déjà existante.”

Cette "ligne jaune" est censée être temporaire. Elle constitue la première des trois étapes du retrait israélien prévu par le plan de Donald Trump. Le 29 septembre, le compte X de la Maison Blanche avait publié une carte montrant trois lignes de retrait successives. (...)

La deuxième phase de l’accord prévoyait ainsi le retrait de l’armée israélienne sur une zone plus réduite, et la troisième sur une zone tampon limitée le long de la frontière avec Israël.

Aucun calendrier n’est cependant à ce jour connu pour la mise en place de ces prochaines étapes, qui comprennent des sujets complexes comme la mise en place d’une autorité provisoire à Gaza ou le processus de désarmement du Hamas.