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Libre-échange : des paysans bloquent un leader mondial de la tomate cerise
#agriculture #Maroc #SaharaOccidental #UE
Article mis en ligne le 29 novembre 2025
dernière modification le 27 novembre 2025

Une soixantaine de paysans ont mené, à Perpignan, plusieurs actions contre l’importateur franco-marocain de fruits et légumes Azura. Ils dénoncent l’accord entre l’UE et le Maroc et les droits bafoués du Sahara occidental.

« Inspection paysanne ! » Il est un peu plus de 8 h 30 lorsqu’un petit groupe de paysans tente de pénétrer dans un centre logistique en périphérie de Perpignan. L’action organisée par la Confédération paysanne cible le groupe franco-marocain Azura, l’un des leaders mondiaux de la tomate cerise, pour dénoncer la « concurrence déloyale » envers les producteurs français et attirer l’attention sur la situation au Sahara occidental. Ce territoire, défini par l’ONU comme « non autonome », annexé illégalement par le Maroc en 1975, est devenu une région stratégique pour la production et l’exportation de tomates vers l’Europe.

Devant le siège du groupe Azura, qui exporte près de 188 000 tonnes de tomates cerises chaque année en Europe, plusieurs tracteurs bloquent l’entrée du site. Pendant ce temps, l’équipe chargée d’entrer dans l’entrepôt bat en retraite, emportant une petite boîte de tomates cerises comme trophée symbolique. Présente sur place, la directrice financière du groupe ne fera aucun commentaire. (...)

Plusieurs entreprises marocaines continuent d’exploiter ce territoire occupé et d’exporter ces produits vers l’Europe grâce à un accord commercial signé en 2012 entre le Royaume et l’Union européenne.

Un accord dénoncé par la Cour de justice de l’UE (...)

« Les travailleurs agricoles sur place sont exploités »

L’accord commercial entre l’Europe et le Maroc a été invalidé par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), saisie par la Confédération paysanne et des représentants du peuple sahraoui, le 4 octobre 2024. La Cour a jugé que les fruits et légumes devaient être étiquetés « Sahara occidental » et non « Maroc », conformément au droit à l’information des consommateurs. Elle a également estimé que les accords avaient été conclus de manière illicite, la Commission européenne ayant outrepassé le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination. (...) (...) (...) (...)

Depuis, un nouvel accord a été négocié en urgence en octobre 2025. Il prévoit d’étiqueter les produits comme provenant de « Laâyoune-Sakia El Hamra » ou « Dakhla-Oued Eddahab », les noms utilisés par le Maroc pour ces régions occupées.

Évacuation musclée des lieux

« Nous demandons aussi l’instauration d’un prix minimum d’entrée pour les produits importés », explique Thomas Gibert, maraîcher en Haute-Vienne et porte-parole du syndicat. « La concurrence doit se faire sur les normes sociales et environnementales, pas sur les salaires de misère. Les accords de libre-échange sont des outils impérialistes. Des accords comme le Mercosur, qui va bientôt être voté, doivent être abandonnés. Avec le réseau international Via Campesina, nous défendons un autre modèle de commerce, plus solidaire avec les paysans du monde entier et plus juste pour les paysans français. »

Vers 10 h 30, après l’évacuation musclée des lieux par une cinquantaine de gendarmes, les paysans se dirigent vers le centre commercial du Carré d’Or à Perpignan pour entrer dans le supermarché Carrefour. (...)

« À 4 euros, le kilo, on ne peut pas lutter »

Les paysans chargent alors les palettes dans des caddies et quittent le magasin en chantant, drapeaux de la Conf’ au vent. « Ces tomates ont déjà été volées au Sahara occidental, ce qui est volé une fois ne peut pas l’être à nouveau », crie l’un d’eux en franchissant les portiques de sécurité. (...)

Sur le parking, une partie du butin est restituée au personnel du supermarché. Quelques cagettes sont conservées pour être déposées à la Direction régionale des douanes de Perpignan, qui assure vouloir enquêter sur l’étiquetage de ces produits.

Un nouveau vote décisif est attendu au Parlement européen d’ici la fin de l’année, ou début 2026, pour valider ou non le nouvel accord commercial entre l’Europe et le Maroc.