
Regrettant des critères juridiques trop flous, la France a refusé de soutenir un texte visant à requalifier comme salariés de nombreuses personnes, livreurs de repas ou chauffeurs de VTC indépendants.
La fin d’un travail de plus de deux ans ? Plusieurs pays ont bloqué ce vendredi 16 février l’adoption d’une législation européenne censée renforcer les droits des travailleurs des plateformes numériques comme Uber ou Deliveroo, mais largement vidée de sa substance. Parmi eux : la France ou l’Allemagne.
La directive, discutée de longue date, vise à requalifier comme salariés de nombreuses personnes, livreurs de repas ou chauffeurs de VTC indépendants, afin de renforcer leur protection sociale. Elle doit aussi harmoniser les critères de cette requalification à l’échelle européenne. (...)
Son échec provoque donc les réactions amères d’une partie de la gauche française, mais pas seulement. (...)
Autant de critiques qui ne s’arrêtent pas aux frontières françaises. Pour le commissaire européen aux Droits sociaux, Nicolas Schmit, à l’origine du projet, (...)
Concrètement, la France et l’Allemagne, comme la Grèce et l’Estonie, ont refusé de soutenir la directive, empêchant d’atteindre la majorité requise de 15 États membres représentant 65 % de la population de l’UE. Désormais, l’avenir de la nouvelle réglementation paraît incertain. Son adoption avant les élections européennes de juin semble en tout cas compromise, compte tenu des délais nécessaires pour trouver un nouveau compromis et achever le processus législatif. (...)
Les raisons d’un échec
Le problème porte, entre autres, sur les modalités de requalification des travailleurs des plateformes comme salariés. La France s’inquiétait au départ que la législation déclenche des requalifications massives - alors que Bruxelles évalue à « au moins 5,5 millions », sur un total de près de 30 millions, le nombre de travailleurs des plateformes aujourd’hui considérés à tort comme indépendants au sein de l’UE - y compris de personnes attachées à leur statut d’indépendant. (...)
Le texte présenté en décembre créait ainsi une présomption de salariat sur la base d’une série de critères. (...)
Si au moins deux critères étaient remplis, la plateforme devait être « présumée » employeur et se soumettre aux obligations du droit du travail (salaire minimum, temps de travail, indemnités maladie, normes de sécurité…) imposées par la législation du pays concerné. Cette disposition a finalement été supprimée pour obtenir l’accord des pays récalcitrants.
Dans la dernière version du texte, elle était remplacée par une présomption de salariat déclenchée conformément à la législation nationale et aux conventions collectives en vigueur, ainsi qu’en tenant compte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’UE. Une formulation très vague, d’autant plus que les réglementations nationales sur les plateformes sont aujourd’hui très disparates. D’où l’hostilité de Paris. (...)