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Malgré les risques pour l’environnement, la France met le cap sur le saumon industriel . Pétition
#aquaculture #elevageintensif #peche #poissons #saumons
Article mis en ligne le 24 mai 2024
dernière modification le 21 mai 2024

Des entreprises cherchent à construire d’immenses usines à saumons en France pour produire chaque année 27 000 tonnes du lucratif poisson. Entre impacts environnementaux ici et surpêche à l’étranger, les projets suscitent des oppositions locales.

La France aime le saumon. C’est le poisson le plus consommé par la population hexagonale, avec une moyenne de 2,7 kilos par an par habitant. « L’or rose » s’est aujourd’hui pleinement démocratisé pour devenir peu à peu « le poulet des mers ». Le poisson n’est pourtant que très peu produit dans le pays. Il n’existe aujourd’hui que deux petites exploitations en Normandie (à Cherbourg et Isigny-sur-Mer). Le saumon mangé ici est donc massivement importé, à près de 99 %. Il vient essentiellement de Norvège, du Royaume-Uni, du Chili et du Canada.

Les aléas sanitaires et l’augmentation des coûts du transport ont fait remonter les prix du produit ces derniers mois, sans en ralentir sa consommation. Il n’en fallait pas davantage pour aiguiser l’appétit de groupes industriels qui comptent s’implanter en Gironde, au Verdon-sur-Mer, dans le Pas-de-Calais, à Boulogne-sur-Mer, et en Bretagne, à Plouisy, pour produire du saumon français à grande échelle. (...)

Les trois futurs élevages ont l’ambition de produire environ 27 000 tonnes de saumons par an à eux trois. L’un est mené sur une friche de 12 hectares au sein du premier port de pêche français, Boulogne-sur-Mer. L’usine devrait démarrer d’ici 2025. Au Verdon-sur-Mer, la ferme à saumon doit s’installer sur le site du terminal portuaire du Verdon, propriété du Grand port maritime de Bordeaux, d’ici trois ans. Dans les Côtes-d’Armor, près de Guingamp, la date de mise en route est encore floue. (...)

Maladies, poux de mer, résidus chimiques, pollution plastique, évasion de nombreux poissons ou encore surabondance de matière fécale, les fermes à saumons ont de quoi faire lever les boucliers des écologistes à travers le monde.Une pétition en ligne s’oppose à ces projets de grandes fermes à saumon d’élevage. Début mai, elle dépassait les 43 000 signatures récoltées. (...)

« Il y a une tendance, pas seulement française, mais à l’international, de développement de ce mode de production de saumons, détaille Gautier Riberolles, chargé d’études en bien-être animal à Welfarm, l’association à l’initiative de la pétition. Ces projets sont problématiques en termes de bien-être animal. Nous souhaitons mettre un coup d’arrêt à cette tendance avant que ces usines sortent de terre. »

L’eau d’élevage rejetée dans la mer (...)

D’autres aspects inquiètent les opposants sur place. « Le préfet a déjà signé pour, en s’asseyant sur toutes les réserves émises par des écologistes ou des scientifiques au sujet de l’impact sur l’eau, la mer, les animaux... » dénonce Ève Lagarde, de l’antenne d’Extinction Rebellion de Boulogne-sur-Mer. (...)

Si Local Ocean va puiser son eau dans la rade du port de Boulogne-sur-Mer, ce n’est pas le cas des deux autres usines de saumons en projet en Gironde et en Bretagne. Les deux sont développées par des entreprises étrangères : Pure Salmon, propriété d’un fonds d’investissement singapourien, et Smart Salmon, une société norvégienne. (...)

Il est toutefois difficile pour l’opposition au projet d’exister, car Pure Salmon n’hésite pas à engager des procédures judiciaires. « Nous avons créé des événements locaux médiatisés et notre pétition a été très signée par plus de 55 000 personnes. Ensuite, Pure Salmon nous a assigné devant les tribunaux », témoigne Esther Dufaure, qui a créé l’an dernier l’ONG Seastemik, dédiée à la protection des océans.
Attaque en justice contre les opposants

L’entreprise a porté plainte contre les opposants pour diffamation, en visant des commentaires publiés sous une vidéo de l’association Eaux secours agissons. Pour l’entreprise, « cela montrerait que nous incitons à la haine et cela nuirait à leur image », explique l’activiste, pour qui il s’agit d’un procès-bâillon, dont l’objectif est avant tout de faire taire l’opposition au projet. Pure Salmon, qui n’a pas répondu à nos sollicitations, réclamait 25 000 euros à l’association et le retrait des propos qu’elle considère diffamatoires. Les deux fondatrices de l’association ont été relaxées le 7 décembre 2023 par le tribunal correctionnel de Bordeaux. L’entreprise a fait appel.

En Bretagne, à Plouisy, le projet de Smart Salmon soulève aussi des questions. (...)

Impacts sur la souveraineté alimentaire en Afrique

Un autre aspect inquiète les opposants à ces élevages : leur possible impact sur la pêche en Afrique de l’Ouest. La pétition Urgence saumon de l’association Welfarm alerte sur les densités d’animaux dans ces élevages, les risques de mortalités, les conditions de vie, mais aussi sur la question de leur alimentation (...)

Or, les sardines qui composent les farines fournies au saumon sont en général pêchées loin de la France et importées. « La pêche minotière (pêche industrielle intensive destinée à alimenter les filières agro-industrielles par des petits poissons peu onéreux, ndlr) en Afrique de l’Ouest menace la sécurité alimentaire de certains pays en développement », dénonce l’eurodéputée EELV Caroline Roose. Au Sénégal par exemple, ce phénomène est dénoncé notamment par Greenpeace depuis plusieurs années.

« Des centaines de milliers de tonnes de poissons sont transformées en farine ou en huile pour l’exportation – au détriment d’environ 40 millions d’Africaines et d’Africains , expliquait l’ONG en 2019. (...)

Les grandes fermes de saumon français ont donc des chances de nuire à la souveraineté alimentaire en Afrique.