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Manifestations interdites : l’État a-t-il fait preuve d’un “deux poids, deux mesures” ?
#NouvelleCaledonie #Kanaky #manifestations #repression
Article mis en ligne le 16 avril 2025
dernière modification le 13 avril 2025

Depuis les émeutes survenues en Nouvelle-Calédonie, plus aucun rassemblement n’est autorisé dans Nouméa et son agglomération. Pourtant, au premier jour de la visite de Manuel Valls, des partisans de la France ont pu librement chahuter le ministre des Outre-mer et l’accueillir avec des pancartes outrageantes, au motif qu’il s’agissait de cérémonies patriotiques.

La séquence devait être solennelle. Elle a viré au règlement de compte. Le 22 février, au Mont-Dore, l’hommage militaire rendu à Nicolas Molinari, le jeune gendarme tué pendant les émeutes, a été largement occulté par la passe d’armes entre le ministre des Outre-mer et le député de la première circonscription Nicolas Metzdorf.

Cette scène, qui a choqué au-delà des frontières calédoniennes, a été précédée d’une brève mise au point entre Manuel Valls et une Mondorienne. Le ministre a peu apprécié d’être rebaptisé "Manouel", en référence à ses origines catalanes, dont s’était déjà moqué le député Metzdorf trois jours plus tôt, au meeting des Loyalistes.

Slogans en espagnol (...)

L’incident n’est pas isolé. Un peu plus tôt dans la matinée, le ministre des Outre-mer avait déjà été pris à partie par des militants non-indépendantistes à la Croix de Lorraine, à Nouméa, pour la toute première séquence de sa visite en Nouvelle-Calédonie.

"S’il faut qu’on casse pour être entendu, on peut casser aussi", avait lancé un homme, "en pétard", contestant la lecture que faisait Manuel Valls de la Constitution.
Une "manifestation patriotique"

Ce "comité d’accueil" réservé au ministre étonne d’autant plus que les mobilisations sont interdites depuis neuf mois dans l’agglomération nouméenne. Dans un arrêté reconduit du 4 février au 3 mars 2025 inclus, le haut-commissaire de Nouvelle-Calédonie précise en effet qu’il y a lieu "d’interdire les cortèges, défilés et rassemblements de personnes sur la voie publique dans les communes de Nouméa, Dumbéa, Païta et du Mont-Dore", quatre villes où sont survenus "de graves troubles à caractère insurrectionnel".

Mais pour la directrice de cabinet du haut-commissaire, il n’y a pas de contradiction entre la théorie et la pratique. "Ce n’était pas des manifestations revendicatives. C’était une participation à une manifestation patriotique", nuance Anaïs Aït-Mansour, qui invite à se référer à la législation en vigueur. (...)

Un discours à double sens

Conscients de cette interdiction, plusieurs élus non-indépendantistes ont profité de ces cérémonies militaires pour inviter les partisans de la France à "accueillir" Manuel Valls à son arrivée sur le Caillou. (...)

Avant de prendre les précautions qui s’imposent. "On n’a pas le droit de se rassembler, vous savez. Les rassemblements publics sont interdits. Mais Manuel Valls va faire un dépôt de gerbe. C’est important un dépôt de gerbe. On rend hommage à ceux qui sont morts pour la France. Et la particularité de ce dépôt de gerbe, c’est qu’il va avoir lieu à la Croix de Lorraine."

Puis, insistant plus loin : "Je ne peux pas vous dire de venir, samedi matin, à 9 h 15. Je ne peux pas vous donner rendez-vous au rond-point du Mont-Vénus, à 9 h 15 avec nos drapeaux blanc-blanc-rouge pour montrer à quel point on est fier d’être français. Je ne peux pas vous inviter à aller dire à Manuel Valls que nous avons dit trois fois "non" et que l’on veut être respecté. Donc je n’ai pas le droit de vous inviter à ça, vous l’avez compris quand même, je pense avoir été assez lourd. (...)

Poursuites judiciaires ?

Au sein des forces de l’ordre présentes lors de ces deux manifestations, certaines voix déplorent la tournure prise par ces événements. Et plus particulièrement au Mont-Dore, où la séquence devait être consacrée au recueillement et non à la vindicte populaire.

Les moqueries, les pancartes, l’altercation avec le ministre... "Clairement, ils n’ont pas joué le jeu. Quelle image désastreuse cela a donné ! C’était lamentable", se désole un officier.

À l’origine de ce rassemblement devant la caserne de gendarmerie, l’association Citoyen mondorien défend les positions, parfois tranchées, des manifestants. (...)

Une amende pour le collectif Urgence sociale

Le silence des autorités face à ces débordements provoque aujourd’hui la colère du collectif Urgence sociale. Il dénonce un "deux poids, deux mesures" et estime que le traitement réservé aux débordements du 22 février a été "on ne peut plus conciliant".

Le 13 février, soit une dizaine de jours plus tôt, le collectif Urgence sociale avait appelé à une mobilisation devant le haut-commissariat, à Nouméa, pour protester contre la fermeture du collège de Rivière-Salée et le durcissement des aides publiques. "Le Procureur nous sanctionne de 40 000 francs d’amende pour avoir organisé une manifestation interdite. Soit on accepte cette amende, soit on nous convoque devant le tribunal", s’étrangle Jean-France Toutikian, membre du collectif.

Urgence sociale a demandé un délai d’une semaine avant de prendre une décision. "On défendait uniquement le droit des enfants à aller à l’école. À aucun moment, on ne s’est permis de huer ou de conspuer l’État, insiste Jean-France Toutikian. On nous a même demandé de ne pas dérouler nos banderoles. Ce qu’on a respecté. On vit tout cela comme une injustice de plus."