
« Il y a deux manières d’aborder une revendication sociale. La première consiste à additionner les difficultés pour justifier qu’on y renonce. La seconde à considérer qu’il s’agit d’une exigence de justice et que, si l’on fait le compte des obstacles, c’est avec la volonté de les surmonter », écrivait François Mitterrand en 1980 (1). Sept ans plus tard, pourtant, au terme du premier mandat du président socialiste, Lionel Jospin sonnait le glas du volontarisme politique qui avait marqué les premiers mois du gouvernement de gauche — nationalisation des banques et des grands groupes industriels, retraite à 60 ans, cinquième semaine de congés payés, augmentation des minima sociaux. Il annonçait en effet : « La période des grandes réformes ne se renouvellera pas (2). »
Les « réformes » allaient reprendre, mais en changeant de sens. Il ne s’agirait plus de réduire les inégalités sociales, mais d’accroître la rentabilité des entreprises ; plus d’élargir les marges de manœuvre de la puissance publique, mais de généraliser aux services publics la logique du marché ; à l’information et à la culture, celle de l’audimat et de la publicité. Ceci dit, le réformisme de la gauche a également concerné des questions de société, à propos desquelles les socialistes peuvent pointer de réelles avancées (suppression des juridictions d’exception, abolition de la peine de mort, fin des discriminations liées à la sexualité).
Paradoxalement, le seul président socialiste élu en France depuis Vincent Auriol en 1947 aura néanmoins compté au nombre des agents les plus performants de l’affaiblissement en France de l’idée de socialisme.(...)
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